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Tourisme : le Maroc doit monter en gamme en perspective de 2030 (Cherif Alami)

Tourisme : le Maroc doit monter en gamme en perspective de 2030 (Cherif Alami)

Tourisme : le Maroc doit monter en gamme en perspective de 2030 (Cherif Alami)

À l’orée d’une décennie charnière pour le tourisme marocain, l’heure est à la prise de conscience et à l’action décisive. Confronté à des obstacles structurels persistants et à des défis logistiques majeurs, le secteur se trouve au cœur d’une course contre la montre pour saisir les opportunités historiques que représentent la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2025 et la Coupe du Monde 2030. Dans cet état des lieux exigeant, Othmane Cherif Alami partage son regard exigeant et passionné, invitant à dépasser les constats pour engager sans tarder des réformes profondes, une gouvernance plus agile et une vision tournée vers un avenir prometteur.

Une dynamique portée par l’aérien et des taux de remplissage record

Initiant son diagnostic, Othmane Cherif Alami salue une progression tangible, portée par des leviers bien identifiés et des choix stratégiques assumés. Le Royaume, affirme-t-il avec conviction, pourrait atteindre le seuil symbolique des 20 millions de visiteurs dès fin 2025. Une performance qui, selon lui, consacre «une croissance en volume assez exceptionnelle». «À fin mai, nous avions déjà franchi le cap des 7,5 millions d’arrivées, croisiéristes compris», souligne-t-il.

Cette dynamique résulte en grande partie d’une montée en puissance décisive de la connectivité aérienne. Entre 2019 et 2026, la capacité aura pratiquement doublé, grâce notamment à l’implantation des compagnies low-cost, venues répondre à une demande diversifiée malgré un contexte inflationniste post-pandémie.

Les effets de cette dynamique se manifestent avec une acuité particulière dans les deux principales plateformes touristiques du Royaume : Marrakech et Agadir. Ces destinations, désormais consolidées comme des piliers structurants de l’attractivité nationale, enregistrent des taux d’occupation exceptionnels, avoisinant les 90%, en particulier dans les établissements en formule «all inclusive» et les hôtels classés quatre étoiles, véritables baromètres du tourisme de milieu et haut de gamme.

Une telle performance n’est ni fortuite ni conjoncturelle. Elle s’inscrit dans le sillage d’une stratégie mûrement réfléchie, conçue de manière concertée avec les pouvoirs publics, notamment sous l’impulsion de Mohammed Sajid, alors ministre du Tourisme, et de Lamia Boutaleb, secrétaire d’État chargée du secteur. «L’État a accompagné cette trajectoire en engageant des budgets de co-marketing ciblés au bénéfice des compagnies aériennes, contribuant ainsi à l’ancrage pérenne des hubs touristiques majeurs», précise Othmane Cherif Alami.

Une croissance quantitative, mais une exigence qualitative

Si la progression du tourisme au Maroc témoigne d’une dynamique indéniable, portée par des chiffres encourageants, Othmane Cherif Alami appelle à dépasser l’obsession de la volumétrie. Pour lui, la pérennité et le rayonnement du secteur résident dans une montée en gamme assumée. «Il importe de dépasser les visions uniquement chiffrées et d’orienter notre modèle vers un positionnement raffiné, garant d’une offre touristique qualitative et différenciée».

Il distingue deux dynamiques : le tourisme de masse autour de Marrakech et Agadir, soutenu par des taux de remplissage atteignant 90%, et une montée en puissance du tourisme haut de gamme : «On n’est plus à 60 ou 80 euros par jour, mais à 300, 600, voire plus de 2.000 euros». Mais cette croissance reste concentrée et inégalement répartie. Malgré les 6 milliards de dirhams engagés par l’État entre 2023 et 2026, l’investissement se concentre à Marrakech. Il plaide donc pour un rééquilibrage : «Il faut un portefeuille foncier prêt à l’emploi dans chaque région, inscrit dans la planification territoriale».

Cette montée en gamme est cependant accompagnée d’une inflation des prix : «À Taghazout, Cabo Negro ou Marrakech, on atteint 2.500 dirhams la nuit. Ce que nous achetions à 1 DH en 2019 coûte aujourd’hui 1,5 ou 2 DH». Cette flambée est perçue comme une compensation logique aux fermetures prolongées et à la hausse des coûts.

Une gouvernance perfectible et des outils obsolètes

Après dix ans d’attente, les décrets sur les normes de qualité dans l’hébergement touristique ont été publiés. Ils introduisent des mécanismes d’évaluation exigeants, comme les clients mystères : «Un hôtel affiché à 2.500 dirhams doit offrir un service à la hauteur. Sinon, il sera rétrogradé».

Toutefois, cette volonté d’encadrement qualitatif ne peut se déployer sans données fiables. Le Maroc ne dispose toujours pas du compte satellite recommandé par l’Observatoire national du tourisme (OMT). Dans cet esprit, il appelle à une refonte de l’OMT : «Il nous faut des statistiques détaillées par région, liées à la valeur ajoutée et aux flux financiers».

Dans le même élan, il plaide pour une réforme administrative en profondeur. L’inefficience des procédures actuelles entrave l’investissement : «Trois à six mois pour autoriser une rénovation hôtelière, c’est trop», rappelle-t-il sans mâcher ses mots, plaidant pour une nouvelle loi sur le tourisme qui conférerait aux autorités régionales des pouvoirs dérogatoires et instaurerait un contrôle a posteriori plus rigoureux, mais plus rapide dans l’exécution.

Ressources humaines : talon d’Achille de la montée en gamme

L’expérience client, malgré des tarifs élevés, reste insatisfaisante : «Quel que soit le prix payé, l’expérience client reste souvent décevante». Les entreprises, pour la plupart exclues des dispositifs Oxygène ou Résilience, peinent à retrouver leur équilibre : «La trésorerie ne se stabilisera qu’en 2026».

Dans le même temps, le secteur souffre d’une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Les profils intermédiaires (femmes de chambre, serveurs, techniciens de maintenance) se raréfient : «Ce sont des métiers nobles, qui participent à l’hospitalité. Mais ils ne sont pas valorisés».

Pour enrayer cette désaffection, il propose un contrat social renforcé. D’une part, en allégeant la fiscalité sur les primes salariales : «Un cadre qui touche 120.000 dirhams par an et reçoit une prime de 30.000 dirhams finit par percevoir à peine 15.000 dirhams nets». D’autre part, en intégrant les jeunes sans formation grâce à des mécanismes inspirés de l’Anapec : «Une prime de 2.000 dirhams pour le transport, détaxée, peut suffire à enclencher une dynamique».

Répartition territoriale et diversification des niches

Othmane Cherif Alami plaide pour des politiques régionales différenciées, intégrant fiscalité, foncier et ressources humaines. La Charte d’investissement prévoit déjà des incitations en faveur de la parité ; il propose d’aller plus loin, en mobilisant tous les leviers pour revitaliser des territoires entiers. Le tourisme de niche, quant à lui, confirme son potentiel : retraites, yoga, tourisme écologique. «La vallée d’Aït Bouguemez est déjà quasi complète avant même son ouverture, uniquement avec des clients nationaux.»

Capacité d’accueil et offre globale : l’indispensable anticipation

Face à l’afflux attendu, la capacité hôtelière actuelle est jugée insuffisante. Il propose de recourir à des solutions temporaires, comme l’affrètement de bateaux de croisière, pour combler le déficit : «Essayez de réserver 25 chambres entre décembre et janvier, vous verrez».

Mais au-delà des lits, c’est l’ensemble de l’expérience touristique qui doit être rehaussée : «On est bien au niveau macro, mais pas bon au niveau micro». Il dénonce aussi le retard dans la logistique de la billetterie pour la CAN 2025 : «Nous sommes le 15 juillet et on ne sait toujours pas comment les tickets seront commercialisés».

2026, pivot stratégique pour l’ambition 2030

Avec la Coupe d’Afrique des Nations en 2025 et la Coupe du Monde en 2030 qui approchent à grands pas, Othmane Cherif Alami insiste sur l’urgence d’accélérer le rythme : «2026 doit être l’année de l’accélération. Sans une simplification administrative, on risque de manquer le rendez-vous de 2030». Pour cela, il propose de transformer l’Office national marocain du tourisme (ONMT) en une agence plus flexible, capable de prendre des décisions rapides et efficaces.

Il rappelle aussi combien la communication est essentielle pour le succès du tourisme marocain. Selon lui, il faut créer une grande chaîne nationale d’information et de documentaires pour faire connaître et valoriser l’image du Maroc dans toute sa diversité : «Nous avons une intelligence collective incroyable, il faut juste la rendre visible». Il regrette également le manque de collaboration entre les acteurs du secteur, qu’ils soient régionaux ou nationaux.

Mais plus que tout, Othmane Cherif Alami lance un appel à l’unité et à la solidarité. Il invite à construire ensemble un pacte national pour un tourisme durable, qui soit à la fois socialement responsable, économiquement viable et compétitif à l’international. Il insiste : «Même si 2030 ne sera pas rentable tout de suite, c’est un projet à long terme, un engagement pour vingt ans». Et il termine par un message fort, tourné vers ceux qui sont souvent laissés de côté : «Il ne faut pas oublier ceux qui n’ont ni diplôme, ni stage, ni emploi. Nous sommes là, et nous resterons là». Un rappel que le tourisme doit aussi être un levier d’inclusion et d’espoir pour tous.


2025-07-17 15:45:00

lematin.ma

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