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Subventionner à tout prix ? Entre nécessité sociale et impasse économique

Subventionner à tout prix ? Entre nécessité sociale et impasse économique

Subventionner à tout prix ? Entre nécessité sociale et impasse économique

Historiquement, le Maroc a misé sur les subventions comme levier social et politique, couvrant des secteurs variés : produits de première nécessité (pain, gaz, eau), logement, culture ou encore énergie. Cette politique a indéniablement permis d’amortir les chocs inflationnistes, de stabiliser les régions les plus fragiles et de soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Toutefois, Hicham Bensaid Alaoui pose une question dérangeante : à force de vouloir protéger, n’a-t-on pas négligé de construire ?

Selon lui, les subventions n’ont pas permis l’émergence de champions nationaux ou d’un tissu productif robuste, à l’instar des modèles turc ou chinois. Leur impact reste essentiellement microéconomique, avec des effets limités sur la productivité ou l’industrialisation.

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L’absence de contreparties : un angle mort préoccupant

L’un des principaux points faibles du système marocain réside dans l’absence de conditions attachées aux aides accordées. Les entreprises, notamment les PME, bénéficient rarement d’incitations fiscales ou de subventions liées à des engagements en matière de performance, d’innovation ou d’emplois. Des milliards de dirhams sont consacrés chaque année aux dépenses fiscales (exonérations, allègements…), mais sans véritable évaluation ni exigences de résultats.

Par contraste, les investisseurs étrangers bénéficient d’exonérations fiscales strictement conditionnées à des objectifs précis : création d’emplois, hausse du taux d’intégration industrielle, etc. Une logique contractuelle qui manque cruellement dans le soutien aux opérateurs nationaux.

Des prix faussés, une compétitivité érodée

Autre effet pervers souligné : la subvention déconnecte le prix payé par le consommateur de la réalité économique. Le SMIC, aujourd’hui fixé à 3.045 dirhams nets, serait insuffisant pour vivre décemment sans aides sur les produits de base. Mais un prix subventionné n’est pas un prix juste : il est artificiellement bas, désincitant à la responsabilité budgétaire, autant pour les citoyens que pour les entreprises.

De plus, la politique monétaire du Maroc, avec un dirham arrimé à 60% à l’euro et 40% au dollar, constitue une subvention implicite. Elle stabilise les prix à l’importation, mais pénalise la compétitivité à l’export et complique l’attractivité des investissements étrangers. Un dilemme stratégique quand on sait que le déficit commercial a atteint 307 milliards de dirhams en 2024.

Réformer… mais comment ?

Réformer le système de subventions paraît nécessaire, mais les obstacles sont nombreux. L’ancrage culturel et social du modèle le rend politiquement sensible. Le principe de « l’acquis » est profondément enraciné, rendant toute réforme difficile, même marginale. Le citoyen marocain, malgré tout, bénéficie encore d’un niveau de vie relativement stable comparé à celui d’autres pays de la région, ce qui rend l’adhésion à une réforme encore plus délicate.

La question centrale posée par l’économiste est la suivante : doit-on continuer à subventionner le marché intérieur ou basculer vers un soutien plus marqué à l’exportation ? Pour lui, l’équilibre doit être recherché. Mais encore faut-il identifier précisément l’offre productive marocaine, ses points forts comme ses limites.

Productivité en berne, chômage persistant

Le constat est alarmant : malgré l’existence de plusieurs écosystèmes sectoriels (automobile, aéronautique, offshoring, agriculture, tourisme…), la productivité nationale diminue selon la Banque mondiale. Dans le même temps, la croissance plafonne à 3% et le chômage reste structurellement élevé.

Des initiatives ont été lancées comme lanouvelle charte de l’investissement, feuille de route pour l’emploi dotée de 15 milliards de dirhams, mais elles reposent à nouveau sur des ressources publiques. Il y a une multiplication des aides sans retour clair sur investissement .

Une équation budgétaire de plus en plus complexe

Face à la réforme des retraites, aux grands chantiers d’infrastructure (LGV, barrages, universités…) et à l’organisation de la Coupe du Monde 2030, les besoins de financement de l’État sont gigantesques. Or, les marges budgétaires se réduisent, l’endettement s’accroît, et aucune ressource exceptionnelle (découverte de gaz ou minerais) n’est envisagée à court terme.

Les seuls leviers disponibles demeurent la fiscalité, l’endettement, l’attractivité des IDE… et une gestion plus rigoureuse de la dépense publique. « Il faut que chaque dirham dépensé par l’État génère une valeur économique, sans quoi l’endettement devient un fardeau pour les générations futures », avertit Hicham Bensaid Alaoui.

Subvention à l’investissement : levier utile ou fuite en avant ?

Les subventions à l’investissement, via la charte dédiée, peuvent couvrir de 10 à 40% du coût des projets. Des dispositifs similaires sont prévus pour l’emploi, notamment des programmes à destination des jeunes. Mais selon l’intervenant, ces aides créent peu d’emplois durables. Ce n’est pas la subvention qui crée de l’emploi, insiste-t-il, mais bien l’opportunité économique.

D’autant que le temps politique impose des résultats rapides, quand le temps économique est, lui, plus lent. D’où une forme de « par défaut » : on subventionne pour éviter l’implosion sociale, même si cela ne règle pas le problème de fond.

Ciblage, évaluation, temporisation : les conditions d’un changement de cap

La critique porte aussi sur la faiblesse du suivi ex post des aides versées. Combien d’emplois ont réellement été créés ? Quels impacts sur les écosystèmes locaux ? Peu de réponses précises existent à ce jour. D’où l’appel à plus d’exigence, de traçabilité et d’objectifs chiffrés pour toute allocation de fonds publics.

Par ailleurs, nombre d’entreprises bénéficient déjà d’un environnement fiscal très favorable. Ne devraient-elles pas, dès lors, être tenues de recruter sans subvention supplémentaire ?

Enfin, toute politique de subvention devrait être temporaire et viser un objectif stratégique. À l’image de l’après-protectorat, où l’État a subventionné la formation médicale pour créer un vivier de médecins nationaux, Hicham Bensaid Alaoui plaide pour des subventions ciblées, limitées dans le temps et assorties d’une finalité claire.

Jusqu’à 2030, un statu quo inévitable ?

À l’approche de la Coupe du Monde 2030, l’État continue d’investir massivement dans les infrastructures, tandis que le secteur privé reste dans une position suiveuse, préférant les projets publics aux initiatives privées. Le climat social exige la stabilité, et toute réforme brutale pourrait entraîner des tensions. La subvention s’impose donc, encore une fois, comme l’outil d’équilibre, même si elle semble à bout de souffle.


2025-05-27 14:00:00

lematin.ma

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