Redouane El Haloui : «Le Maroc n’est plus seulement une destination, il devient une plateforme digitale exportatrice»
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Président de la Fédération marocaine des Technologies de l’Information, des Télécommunications et de l’Offshoring (APEBI), Redouane El Haloui décrypte la nouvelle offre « Offshoring Maroc » qu’il qualifie de rupture majeure dans la stratégie nationale d’externalisation. Entre montée en gamme technologique, gouvernance renforcée, spécialisation des P2I, diplomatie économique digitale et montée en compétences pilotée par les données, il détaille les leviers structurants qui doivent permettre au Maroc de basculer définitivement vers un modèle d’export numérique fondé sur la valeur et de générer les 130 000 emplois annoncés d’ici 2030.
Challenge : En quoi la nouvelle offre Offshoring Maroc représente-t-elle une vraie rupture dans la stratégie nationale d’externalisation ?
Redouane El Haloui : La nouvelle offre Offshoring Maroc constitue une rupture, parce qu’elle met enfin en place un cadre national intégré, lisible et cohérent. Elle combine des incitations fiscales puissantes – un IR plafonné à 10/20 %, la prise en charge de 56 % du taux IS – ainsi que des primes directes à l’emploi et à la formation, un guichet unique réellement opérationnel et une gouvernance structurée reposant sur un Comité Technique et un Comité de Pilotage, assortis d’un suivi-évaluation rigoureux.
« Nous sortons du modèle fragmenté. Le Maroc entre dans une véritable politique industrielle digitale. »
Cette rupture est également technologique, avec la montée en gamme vers l’ITO, l’ingénierie logicielle, la data, la cybersécurité, le cloud, l’IA ou encore le KPO. Cette orientation s’aligne sur la Stratégie Digitale Maroc 2030, qui intègre les recommandations structurantes issues du travail OIT/STED-AMT sur l’adéquation offre–demande, ainsi que des dispositifs modernes comme le Visa Talent.
« Le Maroc ne cherche plus à capter des volumes. Il vise clairement la valeur. »
Elle est enfin territoriale : les incitations renforcées en régions permettent l’émergence de nouveaux pôles numériques. Cette dynamique s’inscrit dans le contrat-programme Digital Export & Offshoring (septembre 2024), que j’ai signé et qui constitue aujourd’hui l’un des piliers de la diplomatie économique digitale du pays.
Challenge : Comment l’APEBI compte-t-elle accompagner la montée en compétences et répondre à la demande croissante en talents dans le digital et l’IA ?
R.E.H. : Le défi n’est pas la demande : elle existe, elle est internationale et elle s’accélère. Le véritable enjeu est l’adéquation offre–demande, en qualité comme en volume. Le diagnostic OIT/STED-AMT, considéré comme une recommandation structurante essentielle, a identifié les gaps critiques à combler. L’APEBI les porte comme priorités.
« Former plus n’a jamais suffi. Former juste est devenu vital. »
Nous structurons notre action autour de quatre axes.
Le premier est l’instauration d’une gouvernance nationale offre–demande, encore à déployer, reposant sur un pilotage par les données : projections par filière et région, suivi des flux de formation et d’insertion, ajustement permanent des dispositifs PAE/PAF.
Le deuxième est la construction d’un Référentiel National des Compétences Digitales & Offshoring, une recommandation prioritaire. Il doit harmoniser les compétences attendues, les niveaux de qualification et les intitulés de métiers.
Le troisième concerne la création d’un Institut National de Formation de Formateurs, chantier critique identifié par l’OIT mais non encore lancé.
« Le premier gisement de talents du Maroc, ce sont ses formateurs. »
Enfin, le quatrième axe porte sur la structuration des reconversions, des Talent Factories et du déploiement du Visa Talent, déjà intégré dans la Stratégie Digitale. Ce dispositif permettra d’attirer des expertises rares – en cybersécurité, IA, cloud, engineering – et devra être complété par la reconversion ciblée, l’alternance et les bootcamps spécialisés.
Pour conduire ces chantiers, l’APEBI s’appuie sur la Commission Compétences & Talents, présidée par Nezha Ghalioueche, ainsi que sur le Groupe Offshoring, piloté par Nadia Mansour, qui coordonne les exigences opérationnelles, RH et technologiques des opérateurs et les convertit en recommandations concrètes.
Challenge : Quels défis restent à relever pour garantir l’efficacité opérationnelle et l’attractivité des nouvelles P2I Offshoring ?
R.E.H. : Les P2I reposent sur des bases solides : infrastructures premium, services mutualisés, guichet unique, règles strictes et reporting régulier. Les défis se situent désormais dans l’exécution, la cohérence avec les talents et l’internationalisation.
Le premier défi est une exécution opérationnelle irréprochable. Le time-to-market et la qualité d’exécution seront déterminants.
«Dans l’offshoring, la confiance se gagne à la minute près. »
Le deuxième défi réside dans un guichet unique réellement intégré où CNSS, DGI, commune, immigration et e-gov doivent fonctionner sans friction.
Le troisième concerne la spécialisation des P2I, une proposition stratégique de l’APEBI. La Stratégie Digitale ne prévoit pas cette spécialisation, mais nous proposons que certaines zones s’orientent vers l’IA et la data, le cloud et DevOps, la cybersécurité ou encore l’engineering services.
«Une P2I spécialisée n’attire pas seulement des volumes, mais de la valeur.»
La gouvernance interne de l’APEBI constitue un quatrième levier. Chaque commission mobilise une dizaine de membres engagés et plus de 250 entreprises participent aux consultations, sondages et événements. Nos instances – Commission Europe (Salaheddine Rachidi), Commission Afrique (Hicham Lachgar), Commission Amériques (Fayçal Noushi), Commission Middle East (Amine Fassi Fihri), Commission Compétences & Talents (Nezha Ghalioueche) et Groupe Offshoring (Nadia Mansour) – structurent cette dynamique.
« Notre force, c’est de traduire le terrain en stratégie. »
Un cinquième défi réside dans l’articulation avec le Ministère de l’Industrie et du Commerce Extérieur. L’APEBI dispose d’un contrat-programme structurant avec le Ministère, élaboré avec l’appui du Secrétaire d’État Omar Hejira, soutenant les travaux de nos commissions continentales et renforçant notre stratégie export.
« L’export n’est pas un slogan. C’est une diplomatie économique organisée. »
Enfin, le dernier défi est la connexion des P2I aux marchés internationaux. Grâce à nos commissions continentales, elles peuvent devenir de véritables hubs d’export.
Challenge : Enfin, comment garantir que les incitations fiscales et sociales se traduisent réellement par la création des 130 000 emplois annoncés ?
R.E.H. : Les incitations marocaines sont puissantes, mais leur impact dépendra de trois leviers. Le premier est une conditionnalité stricte : les avantages doivent être liés à la création d’emplois nets, à leur maintien, à la montée en compétences et à l’évolution vers la valeur ajoutée.
Le deuxième, est un pilotage par les données. Les Comités prévus dans la circulaire doivent assurer un suivi transparent et rigoureux, avec la possibilité d’ajuster si nécessaire.
Le troisième, est une stratégie export solide et institutionnellement soutenue. Trois segments seront structurants : l’offshoring, l’export des solutions PME tech et l’internationalisation des start-ups. Cette stratégie est renforcée par le contrat-programme que nous avons conclu avec le Ministère de l’Industrie et du Commerce Extérieur, élaboré avec l’appui du Secrétaire d’État, Omar Hejira.
« L’emploi digital ne dépend pas du marché local, mais de notre capacité à exporter. »
La combinaison de ce contrat-programme et de la circulaire sur les incentives doit permettre d’accélérer significativement l’export du numérique marocain et donc de générer les 130 000 emplois annoncés.
Pour conclure, l’offre Offshoring 2030, les P2I, la Stratégie Digitale, les recommandations OIT/STED-AMT, le Visa Talent, la gouvernance APEBI et le partenariat institutionnel avec le Ministère composent un écosystème cohérent, ambitieux et orienté vers l’export. «Le Maroc n’est plus seulement une destination. Il devient une plateforme digitale exportatrice. »
Son parcours
Redouane El Haloui est le Président de l’APEBI pour le mandat 2024-2026, après sa réélection lors de l’AGO de juillet 2024. Figure influente de l’écosystème numérique marocain, il porte une vision axée sur la structuration du digital national, la montée en puissance des PME et l’accompagnement des startups, avec l’ambition d’atteindre 3000 startups d’ici 2030. Il joue également un rôle continental en tant que Vice-président de la Fédération africaine des entreprises du numérique (FAEN), créée en 2024 avec le REPTIC. Actif sur la scène internationale, notamment à GITEX Africa, il contribue au rayonnement du Maroc comme hub technologique régional. Impliqué dans les chantiers nationaux dont Digital Morocco 2030 et les réflexions sur l’IA, il participe aux stratégies structurantes destinées à positionner durablement le Maroc comme une plateforme numérique compétitive et exportatrice.
Son actu
Le Maroc vient de dévoiler une nouvelle Offre Offshoring 2030, un dispositif modernisé qui renforce l’attractivité du Royaume dans la compétition mondiale de l’externalisation. Structurée autour du développement des talents, de la montée en gamme des P2I Offshoring et d’un cadre d’incitations particulièrement avantageux, cette offre marque une véritable rupture stratégique. Avec un objectif de 130 000 emplois additionnels d’ici 2030, le pays ambitionne de consolider son positionnement parmi les hubs les plus performants et innovants du continent.
2025-12-10 13:15:00
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