PLF-2026. Entre continuité et défis
48
« Incertitudes » est devenu le mot magique souvent évoqué pour qualifier une situation mondiale complexe et durablement instable. Néanmoins, compte tenu des deux derniers discours royaux prononcés lors de la Fête du Trône et de l’ouverture de l’année législative, les axes afférents notamment à la santé et à l’éducation ont été mis en avant et semblent priorisés. Ce qui constitue une réponse à une forte attente sociale. C’est ce qui devrait apparaitre à travers les grandes orientations du Projet de loi de finances de l’année 2026 (PLF-2026), examinées et approuvées en Conseil des ministres, le 19 octobre.
Lors du Conseil des ministres, Nadia Fettah, ministre de l’Economie et des finances, a commencé par une description sommaire du contexte international et national, caractérisé par la persistance des incertitudes impactant négativement les perspectives de croissance au niveau mondial. Malgré cela, l’économie nationale semble faire preuve de résilience, avec un taux de croissance de 4,8%, en 2025, grâce à la reprise de la demande intérieure et à la dynamique des activités non agricoles. Le taux d’inflation a été limité à 1,1% (à fin août 2025) et le déficit budgétaire devrait s’établir à 3,5% du PIB. Par ailleurs, l’accélération des chantiers du «Maroc Emergent» est menée de manière indissociable avec ceux relatifs à la justice sociale et au développement territorial intégré. A cet égard, quatre priorités majeures ont été retenues. Il est d’abord question de : poursuivre la consolidation des acquis économiques, en stimulant les investissements privés nationaux et étrangers ; accélérer la mise en œuvre de la Charte des investissements ; déployer l’Offre Maroc de l’hydrogène vert ; consolider l’attractivité du climat des affaires ; renforcer les partenariats innovants public-privé ; et diversifier les sources de financement de l’économie. Une attention particulière devrait être accordée aux très petites, petites et moyennes entreprises (TPPME), en mettant en place un nouveau dispositif d’assistance technique et de soutien financier dans une optique de création d’emplois et d’équité territoriale. De même, est prévue une intensification des efforts en vue de favoriser l’insertion des jeunes et des femmes dans le monde du travail, tout en atténuant les impacts de la sécheresse sur le monde rural.
La deuxième priorité, tant attendue socialement, a trait au lancement de la nouvelle génération des programmes de développement territorial intégré. Il s’agit de programmes devant être élaborés en concertation avec l’ensemble des acteurs locaux, avec en priorité la création d’emplois pour les jeunes, la promotion des secteurs d’éducation et de santé sur la base d’actions concrètes et de résultats appréciables, sans oublier la mise à niveau territoriale. Les régions en situation de grande précarité telles que les zones montagneuses et oasiennes, et le littoral national, devraient être ciblées en priorité.
Lire aussi I Duke Buchan confirmé en tant qu’ambassadeur des Etats-Unis au Maroc
Le PLF-2026 prévoit ainsi une extension du Programme national pour le développement des centres ruraux émergents. Un effort budgétaire particulier est aussi prévu au profit des secteurs de la santé et de l’éducation nationale, avec une enveloppe de 140 MMDH et 8 000 postes budgétaires pour la santé, contre 6 500 en 2025, soit une hausse de 23%. Ainsi, outre l’opération de mise à niveau et de rénovation de 90 hôpitaux, deux CHU devraient ouvrir leurs portes à Agadir et à Laâyoune, en plus du parachèvement des travaux de construction et d’équipement du CHU Ibn Sina à Rabat et la poursuite des travaux de construction des CHU de Béni Mellal, Guelmim, et Errachidia. Pour le secteur de l’éducation nationale, est prévue l’accélération de la généralisation de l’enseignement préscolaire et l’amélioration de la qualité de l’enseignement.
La troisième priorité vise la «poursuite de la consolidation des piliers de l’Etat social». Il s’agit notamment de la généralisation de la protection sociale, du programme de l’aide sociale directe au profit de 4 millions de ménages, avec une revalorisation variant entre 50 et 100 DH, pour chacun des trois premiers enfants. Le PLF 2026 prévoit aussi, dans cet axe, l’opérationnalisation des piliers restants de ce chantier, à savoir l’élargissement de l’affiliation aux régimes de retraite, et la généralisation de l’indemnité pour perte d’emploi, sans oublier la poursuite du programme d’aide directe pour l’acquisition du logement principal.
La quatrième priorité concerne la préservation des équilibres des finances publiques. A ce niveau, il est surtout question d’une réforme de la loi organique relative à la loi de finances adoptée en 2015. Cette réforme vise à consacrer le principe de la reddition des comptes, la culture d’évaluation par les résultats et la territorialisation des politiques publiques.
Lire aussi I Victoire diplomatique majeure pour le Maroc au Sahara : la presse mondiale salue un tournant historique
La réforme des établissements et entreprises publics (EEP) n’a pas été oubliée. Elle est même déterminante dans la réforme de l’Etat. Son accélération est programmée à travers notamment la restructuration du portefeuille public, l’instauration de mécanismes de bonne gouvernance, l’amélioration de la productivité et du rendement, le renforcement de la performance des investissements (…).
La poursuite de la réforme du système judiciaire a aussi été incluse comme axe transversal visant notamment la qualité de service au profit des citoyens et l’amélioration du climat des affaires.
PLF-2026 : les chiffres clés annoncés
D’après la note de présentation du PLF 2026, le budget de l’État pour l’année 2026 s’élève à 761,3 MMDH, contre 721,32 MMDH en 2025, soit une hausse de 5,54%. Le budget général (BG) concentre l’essentiel des dépenses avec 527,65 MMDH, hors amortissement de la dette publique. Les services de l’État gérés de manière autonome (SEGMA) mobilisent presque 2 MMDH, alors que les comptes spéciaux du Trésor (CST) représentent 167,49 MMDH. Quant à l’amortissement de la dette publique, le montant s’élève à 64,17 MMDH. Par ailleurs, les dépenses de personnel constituent un poste important du BG. Pour 2026, elles sont estimées à 195,33 MMDH, contre 180,27 MMDH en 2025, soit une hausse de 8,35%. Cette évolution provient notamment de la revalorisation salariale dans le cadre du dialogue social et de la contribution accrue de l’État aux régimes de protection sociale et de retraite, dont la part atteint 26,20 MMDH.
Le montant des dépenses d’investissement du BG prévu en 2026 s’élève à 136,11 MM DH, en hausse de 5,9%, par rapport à 2025. Il s’ajoute aux crédits d’engagement ouverts au titre de 2026 et années suivantes pour un montant s’élevant à 79,51 MMDH, et aux crédits de report correspondant aux crédits engagés dans le cadre de la LF-2025, mais non ordonnancés au 31 décembre 2025, pour un montant estimé à 13 MMDH. A noter que le montant total des crédits mis à la disposition des administrations au titre des dépenses d’investissement s’élève à 228,61 MMDH.
Au niveau des ressources, le PLF-2026 prévoit un total de 712,55 MMDH, soit une hausse de 8,32 % par rapport à l’année 2025. Ces recettes se répartissent entre 421,33 MMDH pour le BG (hors produits d’emprunts à moyen et long terme), 1,99 MMDH pour les SEGMA et 166,23 MMDH pour les CST. Quant aux emprunts à moyen et long terme, ils devraient, générer 123 MMDH, contre 125 MMDH en 2025.
Les recettes ordinaires du BG sont constituées principalement des recettes fiscales et douanières (376 MMDH) auxquels s’ajoutent les recettes non fiscales d’un montant global de 45 MMDH dont les produits des monopoles et participations de l’Etat (27,5 MMDH) et les produits des privatisations (6 MMDH).
Lire aussi | Trump encourage les entreprises US à investir au Sahara marocain
Le solde du BG, hors produits des emprunts et amortissement de la dette publique à moyen et long terme, est estimé à 107,58 MMDH pour 2026, contre 126,37 MMDH en 2025. Cette baisse du déficit budgétaire devrait permettre au gouvernement d’améliorer les équilibres des finances publiques (FP). Par ailleurs, les besoins de financement restants s’établissent à 48,74 MMDH, en baisse nette de 23,26 % par rapport à 2025.
L’investissement public global devrait dépasser, en 2026, 380 MMDH. Outre les dépenses d’investissement du BG, il est constitué de l’investissement des entreprises et établissements publics (180 milliards), du Fonds Mohammed VI pour l’investissement (45 milliards) et des collectivités territoriales (22,5 milliards).
PLF-2026 : une «pause fiscale»
Après la « réforme » de l’IS en 2023, de la TVA en 2024 et de l’IR, en 2025, le PLF de l’année 2026 semble annoncer une « pause fiscale ». La Contribution sociale de solidarité sur les bénéfices et les revenus devrait être reconduite pour les années 2026 à 2028. Les autres mesures prévues concernent principalement : la consolidation de l’intégration des activités informelles, avec notamment une extension du champ d’application de la retenue à la source (RAS); l’amélioration du climat des affaires et de la compétitivité des entreprises; l’encouragement de l’investissement dans le domaine du sport ; et l’adaptation/harmonisation des règles fiscales pour réduire le contentieux.
Postes budgétaires : l’Intérieur et la Santé priorisés
Le nombre total de postes budgétaires (PB) prévu en 2026 est de 36 895, contre 28 906, en 2025, soit une hausse de 27%.
13 000 PB sont prévus au profit du ministère de l’Intérieur, soit 35,23% du total des PB prévus en 2026, contre 7 744 PB en 2025, soit une hausse de presque 68%, en 2026.
8 000 PB sont prévus pour le ministère de la Santé et de la protection sociale, soit 21,68% du total des PB prévus en 2026, contre 6 500 PB en 2025, soit une hausse de 23%, en 2026.
Pour l’Administration de le Défense, 5 500 PB ont été prévus en 2026, soit 14,90% du total des PB prévus en 2026, contre 5 792 PB en 2025, soit une baisse de 5%.
L’Administration pénitentiaire s’est vue accorder 2 020 PB, en 2026, soit 5,47% du total des PB, contre 1000 PB en 2025, soit une hausse de 102%.
Ainsi pour trois départements (Intérieur, Défense et Administration pénitentiaire), 28 520 PB ont été prévus, soit 77,30% du total des PB prévus en 2026.  
2025-11-02 09:25:40
www.challenge.ma





