Les ravages de la Pouffa: «Le législateur devrait redéfinir le terme de dealer»
Voilà des propositions du Pr Mohamed Toussirt pour lutter contre la drogue notamment la Pouffa. Ses recommandations se croisent largement avec celle de l’Observatoire national de la criminalité (Lire article).
Les experts invitent les autorités à couper le mal à la racine plutôt que de neutraliser des petits dealers. «De telle sorte que l’appareil répressif parvienne à agir sur la disponibilité de l’offre globale», proposent-ils (Ph. Archives)
Premièrement, une prise en charge physique et psychologique des toxicomanes. Il existe des centres d’addictologie à Fès, Agadir, Tanger et Casablanca. Notre interlocuteur ignore les moyens dont ils disposent. Pour sa part, l’Observatoire constate «le manque de centres» de traitement spécialisés.
Deuxièmement, la nécessité d’une meilleure prévention. Des agents sociaux et médicaux devraient sensibiliser aux dangers des drogues de synthèse. Leur effet hautement addictif est encore largement ignoré. L’Observatoire créé fin 2024 y ajoute «la stigmatisation sociale du toxicomane. Un obstacle majeur pour les programmes de désintoxication et de réinsertion». Les mesures pénales de soins médicaux existent. Elles ne sont pas actionnées, selon l’organisme rattaché au ministère de la Justice.
 
La production de la Pouffa se fait souvent individuellement ou par groupe de personnes et beaucoup moins par bandes criminelles au sens pénal de ce terme. Les arrestations portent surtout sur des dealers, puis des consommateurs et enfin les détenteurs de cette drogue de synthèse
Couper le mal à la racine
Troisième proposition, contrer les réseaux de trafic de stupéfiants en s’appuyant sur la coopération internationale et les moyens étatiques internes. «La commission nationale de lutte contre la drogue est le principal mécanisme de coordination entre les différents intervenants dans les politiques publiques. La pratique démontre qu’il va falloir renforcer ses attributions», propose l’Observatoire national de la criminalité. Il cite l’exemple des commissions américaine et française.
Cette dernière dresse la stratégie nationale antidrogue. Coordonne son action avec 23 ministères et dispose d’un budget de 600 millions d’euros par an. Quatrièmement, l’aspect pénal. Le Pr Mohamed Toussirt invite les autorités à couper le mal à la racine plutôt que de neutraliser des petits dealers. «De telle sorte que l’appareil répressif parvienne à agir sur la disponibilité de l’offre globale», propose-t-il.
Commander sa dose comme une pizza!

La législation pénale condamne aussi bien le dealer que le consommateur. Or, dans la majorité des cas, c’est la même personne qui approvisionne son cercle proche pour assurer d’abord sa dose…
La législation pénale condamne aussi bien le dealer que le consommateur. Or, dans la majeure partie des cas, ils sont la même personne. Un consommateur va commencer à approvisionner son cercle proche pour financer d’abord sa propre consommation. Quitte à prendre le risque pénal.
«C’est in fine un consommateur. Pas un vrai trafiquant qui vise à s’enrichir. Le législateur devrait redéfinir le terme de dealer». Mettre tout le monde dans le même sac risque aussi de «propager le phénomène dans les prisons».
De leur côté, les analystes de l’Observatoire national de la criminalité évoquent l’insuffisance de la législation pénale pour répondre aux besoins liés à la lutte contre les drogues de synthèse.
Puis, il y a l’univers des réseaux sociaux. «Vous pouvez y commander votre dose comme vous le ferez pour une pizza», ironise l’expert marocain Mohamed Toussirt. D’où le rôle des enquêteurs qui consiste à détecter les sources d’approvisionnement et de distribution ainsi que les nouvelles routes intercontinentales du trafic de stupéfiants. C’est déjà globalement le cas même si les tactiques d’invasion adoptées par les trafiquants changent selon… la tête du client.
F.F.
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2025-10-30 19:22:48
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