Irrigation : voici les détails du big bang agricole que prépare l’État sur 250.000 hectares dans la Chaouia
Jusqu’ici structurellement déficitaire, le bassin Bouregreg-Chaouia s’apprête à basculer dans une nouvelle dynamique. Les importants projets d’interconnexion (Sebou-Bouregreg, Laou-Loukkos et Sebou-Oum Er Rbia) et les méga-stations de dessalement de Casablanca et Rabat vont dégager des volumes conséquents destinés à l’agriculture. Cette nouvelle disponibilité change profondément les perspectives de la région : elle ouvre la voie à une irrigation de complément à grande échelle, notamment pour les céréales, les cultures fourragères et les rotations stratégiques prévues par la stratégie Génération Green 2020-2030.
L’étude couvrira trois grands ensembles : la haute Chaouia (Settat-Ben Ahmed), avec un potentiel d’extension sur 140.000 ha, la Basse Chaouia-Nappe de Berrechid avec 50.000 ha à sauvegarder et renforcer, et la Basse Chaouia (El Gara-Nfifikh) avec un potentiel de 60.000 ha d’extension. La consultation à commanditer devra caractériser chaque zone selon un ensemble de critères naturels, hydriques, socio-économiques et fonciers. Une approche multicritère permettra ensuite de hiérarchiser les zones favorables et de définir où l’eau de l’interconnexion aura le plus d’impact.
Au-delà du diagnostic général, le ministère cherche, à travers l’étude, à cristalliser trois projets prioritaires représentant une superficie totale de 80.000 hectares. Ces projets feront l’objet d’études de faisabilité technique, économique et financière, de schémas d’aménagement détaillés (stations de pompage, adductions, stockage, mise en pression, réseaux internes), d’une analyse de rentabilité sur 20 à 30 ans avec test de sensibilité, et d’un dossier de financement complet calibré pour les bailleurs internationaux, notamment la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque africaine de développement (BAD), la Banque mondiale (BM) et la banque de développement allemande (KfW). Il s’agit ainsi d’un volet déterminant pour accélérer la mobilisation des financements extérieurs dans la transformation hydro-agricole du pays.
Un atlas cartographique de projets à concocter
L’étude, qui couvrira sept mois, sera réalisée en trois séquences : l’identification et la caractérisation des zones potentiellement irriguables, les études de faisabilité et la préparation des dossiers de financement des projets prioritaires, et l’élaboration d’un atlas cartographique structuré, destiné à servir de base de programmation au ministère. Cet atlas constituera un outil stratégique pour décider des priorités d’aménagement, coordonner les interventions publiques et sécuriser les investissements privés dans l’agro-industrie et l’amont agricole.
Le schéma directeur à concocter constituera un levier stratégique pour la résilience agricole puisqu’il arrive à un moment critique : la région de Chaouia est l’un des greniers historiques du pays, mais aussi l’une des plus exposées aux sécheresses successives. En planifiant des aménagements hydro-agricoles massifs, l’État entend répondre à quatre enjeux de taille : la stabilisation de la production céréalière, la modernisation des systèmes d’irrigation sous pression, la réduction de la pression sur les nappes et l’augmentation de la valeur ajoutée agricole via des assolements optimisés.
Ce projet structurant pourrait, une fois traduit en investissements, transformer durablement le modèle agricole de la Chaouia et renforcer la sécurité hydrique et alimentaire du Maroc. Rappelons que l’État avait adopté des plans de développement et d’accélération des investissements dans le cadre de Génération Green 2020-2030 et du Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation (PNAEPI) 2020-2027. Ces plans ont actionné plusieurs leviers complémentaires pour le développement de l’offre hydrique. Les infrastructures de mobilisation des ressources en eau permettront d’améliorer significativement le bilan hydrique du bassin hydraulique Bouregreg-Chaouia et de dégager de nouvelles ressources pour le développement de l’irrigation, notamment pour l’irrigation de complément des grandes cultures.
L’interconnexion des bassins libérera des excédents hydriques
Concrètement, la programmation des projets d’interconnexion des bassins hydrauliques permettra l’utilisation des eaux excédentaires des bassins versants du nord du Maroc vers le Sud. Ces projets ont pour objectif de réduire les pertes en mer des ressources en eau dans les bassins excédentaires, de transférer l’eau depuis les trois bassins hydrologiques situés dans le nord du Royaume disposant d’importants excédents (Laou, Loukkos, Sebou) et de l’acheminer vers les bassins déficitaires.
Il s’agit, également, de sécuriser l’approvisionnement en eau pour les grandes agglomérations urbaines et de renforcer l’eau disponible pour l’irrigation. Des tranches urgentes d’interconnexion sont ainsi réalisées et portent sur l’interconnexion Sebou-Bouregreg (longueur d’adduction d’environ 67 km, débit de 15 m³/s pour la tranche urgente et un débit additionnel de 30 m³/s pour la tranche 2) et l’interconnexion des barrages Oued Makhazine-Dar Khrofa dans le bassin du Loukkos (longueur d’adduction de 42 km, débit de 3,2 m³/s). D’autres projets d’interconnexion sont programmés dans le cadre du PNAEPI, notamment Laou-Loukkos et Sebou-Bouregreg-Oum Er Rbia.
Ces projets permettront à terme de mobiliser près d’un milliard de m³ d’eau gagné sur les pertes en mer, pour sécuriser l’approvisionnement en eau des grandes agglomérations urbaines et renforcer l’irrigation dans les bassins déficitaires.
S’agissant de la mobilisation des ressources hydriques non conventionnelles, deux grandes stations de dessalement sont en cours de développement pour alimenter les grandes agglomérations côtières en eau potable, réduisant ainsi la compétition sur l’eau entre villes et agriculture et libérant les eaux des barrages pour consolider les dotations d’eau des périmètres irrigués et développer des projets d’irrigation des cultures maraîchères.
Dans ce contexte, le bassin hydraulique Bouregreg-Chaouia est particulièrement concerné par la station de dessalement de Casablanca, d’une capacité à terme de 300 millions de m³/an, qui permettra de satisfaire la demande en eau potable de la ville et de substituer l’eau provenant du barrage Sidi Mohamed Ben Abdellah (SMBA). Par ailleurs, la Station de dessalement de Rabat, également d’une capacité à terme de 300 millions de m³/an, permettra de satisfaire la demande en eau potable de la capitale et de libérer les ressources du barrage SMBA pour le développement de l’irrigation dans le bassin.
Ces projets de développement de l’offre (interconnexion et dessalement) permettront donc de dégager des volumes d’eau supplémentaires destinés à renforcer l’irrigation et contribuer à la souveraineté alimentaire du pays. Résultat : le bilan hydraulique du bassin Bouregreg-Chaouia passera d’un bassin structurellement déficitaire à un bassin excédentaire, ouvrant la voie au développement de l’irrigation sur de nouvelles terres.
2025-12-01 09:30:00
lematin.ma


