Ferveur populaire et regards de femmes : le Festival du film de Marrakech 2025 électrise la ville
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Dès les premières heures de la 22e édition du Festival international du film de Marrakech, une évidence s’est imposée : cette année encore, les festivaliers ont répondu présent, en masse, avec une ferveur rare. Les salles sont prises d’assaut et dans les files d’attente, on discute cinéma. On sent planer dans l’air cette énergie unique que seuls les grands rendez-vous du septième art savent provoquer. Marrakech a ainsi renoué avec ce frisson collectif qui transporte les cinéphiles et fait vibrer les professionnels.
Nous sommes seulement à mi-parcours, mais l’édition 2025 a déjà offert des émotions intenses. La sélection rassemble 82 films venus de 31 pays, dont 8 avant-premières mondiales ou internationales et 14 œuvres en lice pour les Oscars. Une diversité narrative remarquable, allant des drames intimes aux films à suspens, comme Dead Man’s, de Gus Van Sant, projeté lors de la séance d’inauguration du festival.
Des hommages sous le signe de la reconnaissance internationale
Trois soirées ont été consacrées à célébrer des figures majeures du cinéma mondial qui se sont vu décerner une Étoile d’Or pour l’ensemble de leur carrière, des hommages appuyés à chaque fois par une standing ovation. La légende égyptienne Hussein Fahmi a ouvert le bal. Il a été suivi par Jodie Foster, icône hollywoodienne, puis par la grande dame du cinéma marocain, Raouya. Le 4 décembre, ce sera au tour du maître de l’imaginaire, le Mexicain Guillermo del Toro. Quatre noms, quatre parcours, quatre visions cinématographiques complémentaires, qui donnent au festival une profondeur particulière.

Jodie Foster illumine le FIFM
L’un des grands moments de cette édition a été l’arrivée de Jodie Foster sur scène. Le public a célébré à la fois l’actrice oscarisée, la réalisatrice engagée et la femme rayonnante qui, depuis plus de 50 ans, parcourt le cinéma mondial avec une intelligence et une sensibilité rares. «Ma plus grande réussite est d’être heureuse», a-t-elle dit en remerciant le public et les professionnels, dont Martin Scorsese, en duplex depuis les États-Unis. Lors de sa Conversation With, Jodie Foster est revenue sur son propre chemin dans cette industrie qu’elle a intégrée enfant. Elle a confié : «Quand j’ai commencé à travailler, le cinéma était un univers d’hommes. C’était comme ça et ça semblait normal pour tout le monde. Je n’imaginais même pas que les femmes puissent réaliser un film .C’est en grandissant que j’ai découvert qu’il existait des réalisatrices en Europe. Ce sont elles qui m’ont fait comprendre que c’était possible». Une parole forte, qui a résonné de manière spécifique cette année, tant le regard féminin s’est imposé au cœur du Festival.

Un jury attentif, des débats animés, un palmarès qui en dit long
Depuis sa création, le Festival met un point d’honneur à révéler des talents émergents et à donner de la visibilité aux voix nouvelles du cinéma mondial. Cette édition en a offert une démonstration éclatante.
Au cœur de cette effervescence, le jury, présidé par Bong Joon-ho, incarne l’esprit du Festival : audacieux, ouvert et profondément international. Le cinéaste sud-coréen, maître absolu du récit et de la mise en scène, a suscité curiosité et admiration à chacune de ses apparitions.
Mais lui-même n’a cessé de rappeler que ce Festival n’est pas le sien : «Nous sommes ici pour découvrir les autres, et rendre hommage à ceux qui arrivent. Les jeunes réalisateurs sont l’avenir, et Marrakech le comprend mieux que beaucoup d’autres festivals.»
Les débats sont vifs, passionnés, presque jubilatoires, tant les propositions cinématographiques sont diverses.

Une présence féminine forte
Cette année, les réalisatrices présentes en compétition comme hors compétition font sensation. C’est d’ailleurs la Franco-Tunisienne Erige Sehiri qui a eu l’honneur d’ouvrir la compétition avec Promis le ciel, un film délicat, subtil et d’une grande humanité sur le quotidien des Subsahariens en Tunisie qui a été largement applaudi.
Vie privée de la Française Rebecca Zlotowski comptait parmi les films les plus attendus du festival, à tel point qu’une longue file de festivaliers s’est retrouvée devant une porte fermée. Il faut dire que le casting était alléchant et le film a tenu toutes ses promesses. Jodie Foster, Daniel Auteuil, Virginie Efira et Mathieu Amalric ont conquis ceux qui ont pu découvrir ce récit oscillant entre drame et comédie, autour des questionnements d’une psychiatre.
Dimanche, c’était au tour du très attendu Calle Málaga de Maryam Touzani d’être projeté. Déjà largement reconnue et récompensée pour Adam et La Couleur du caftan, la réalisatrice marocaine signe une œuvre bouleversante et lumineuse, où elle poursuit sa réflexion sur les liens familiaux, la fragilité des êtres et les non-dits qui traversent les existences. Le film est porté par la formidable actrice espagnole Carmen Maura et le tout aussi excellent Ahmed Boulane. Le public leur a réservé une longue ovation, saluant la finesse de l’écriture et la puissance de la mise en scène.
Des regards, des sensibilités, des récits de femmes qui, chacun à leur manière, ont marqué ces premières journées et témoignent d’une évolution profonde du cinéma contemporain. Et l’on comprend mieux pourquoi Jodie Foster insistait, lors de son hommage, sur la nécessité de porter des voix féminines fortes : elles éclairent le cinéma autrement… et font avancer l’art.
Et au-delà des salles obscures
Les premiers jours du FIFM 2025 ont été à l’image de cette édition : vibrants, généreux, profondément humains. Entre les hommages, les rencontres, les masterclasses, les projections, et la présence massive d’un public avide de découverte, le Festival a démontré une fois encore sa capacité unique à rassembler des cultures, des sensibilités et des générations autour d’un même amour : celui du cinéma.
Et si le regard des festivaliers s’est souvent tourné vers les légendes du septième art venues à Marrakech, ce sont les nouveaux récits, les jeunes voix, et particulièrement les cinéastes femmes, qui ont, cette année, donné au Festival sa note la plus émouvante.
Il reste encore des jours pour vibrer, découvrir, applaudir. Mais une chose est déjà certaine : l’édition 2025 restera comme l’une des plus inspirantes de ces dernières années.
2025-12-08 14:00:00
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