E-commerce: un marché évalué à 22 milliards de DH
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En quelques années, les Marocains ont adopté un nouveau réflexe : acheter en ligne. Smartphones en main, ils commandent, comparent, paient et se font livrer en un clic. Ce n’est plus une tendance, mais une transformation durable des modes de vie. Derrière cette révolution silencieuse, un écosystème numérique est en train de s’imposer.
Le Maroc vit une révolution tranquille. Ce n’est pas celle des grandes infrastructures ou des mégaprojets industriels, mais celle du quotidien : celle du clic. En 2019, le commerce en ligne n’était qu’une option pour une minorité de citadins connectés. Cinq ans plus tard, il s’est imposé comme un réflexe naturel pour des millions de Marocains. Selon l’Enquête nationale TIC 2024-2025 de l’ANRT, près d’un quart de la population (24,9 %) a acheté en ligne en 2024, contre 15,1 % seulement en 2019. En cinq ans, le pays a gagné 3,7 millions de nouveaux cyberacheteurs (une hausse spectaculaire de 65 %) et un marché désormais évalué à 22 milliards de dirhams, selon le ministère de l’Industrie et du Commerce. Et ce n’est qu’un début : la croissance devrait se poursuivre à un rythme soutenu les prochaines années.
Pour Anouar El Basrhiri, Directeur général de TMS Consulting, cette évolution n’est pas un hasard. Elle résulte d’une convergence entre connectivité, jeunesse et nouveaux usages. «Cette croissance spectaculaire du e-commerce marocain s’explique par une combinaison de facteurs structurels et comportementaux. D’abord, la démocratisation de la connectivité : l’accès à Internet mobile s’est largement généralisé, même dans les zones semi-urbaines, grâce à la baisse du coût des données et à la couverture 4G », explique-t-il. Le smartphone est devenu le pivot du commerce moderne, transformant la manière d’acheter, de comparer et de payer. Plus de 90 % des foyers marocains disposent aujourd’hui d’un smartphone connecté, ce qui a profondément changé la relation au commerce. « Le profil du consommateur marocain a évolué. Il est devenu plus jeune, plus connecté et plus exigeant en matière de confort et de rapidité. L’achat en ligne est désormais un réflexe, surtout pour les produits du quotidien, la mode et l’électronique. »
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Ce basculement vers le digital ne concerne plus uniquement les grandes plateformes internationales : il a aussi ouvert la voie à une génération de petits commerçants, d’artisans et de créateurs locaux qui utilisent les réseaux sociaux comme vitrine. Instagram, TikTok ou WhatsApp Business ne servent plus seulement à échanger, mais à vendre. « Le smartphone est devenu la première vitrine commerciale du pays. Il a transformé la manière dont les marques et les vendeurs interagissent avec leurs clients. Aujourd’hui, un Marocain peut découvrir un produit sur TikTok, poser une question sur WhatsApp et finaliser son achat sur Instagram, tout cela sans quitter son téléphone. » Cette fluidité a humanisé le commerce. L’achat n’est plus un acte froid ou distant : il devient une conversation. « Les réseaux sociaux marchands ont humanisé la relation commerciale. Les échanges sont devenus directs, rapides et souvent personnalisés. Le vendeur n’est plus une marque distante, mais une personne accessible derrière son écran. »
La confiance, le vrai capital
Mais si la technologie a facilité la mise en relation, la confiance reste le vrai capital du e-commerce. Beaucoup d’acheteurs hésitent encore à payer en ligne par crainte d’arnaques ou de livraisons ratées. « Malgré les progrès, la confiance reste le nerf de la guerre. Beaucoup d’acheteurs hésitent encore à payer en ligne, par crainte d’arnaques ou de problèmes de livraison qu’on voit malheureusement sur certaines marketplaces », reconnaît El Basrhiri. Pour y remédier, il appelle à agir sur plusieurs fronts : « Il faut agir sur trois leviers : technique, avec la généralisation de solutions de paiement sécurisées ; opérationnel, en améliorant la logistique du dernier kilomètre ; et réglementaire, via un cadre clair de protection du consommateur. » Une conviction qu’il résume en une phrase : « La confiance ne se décrète pas ; elle se construit par la transparence, la qualité du service et la responsabilité des acteurs. »
Les pouvoirs publics, conscients des enjeux, ont enclenché des réformes de fond. En avril 2025, un accord stratégique a été signé entre les ministères de l’Industrie et de la Transition numérique pour encadrer et stimuler le secteur. Objectif : faire émerger un e-commerce inclusif, compétitif et sécurisé, tout en soutenant la montée en compétences des commerçants à travers des programmes comme le Moroccan Retail Tech Builder (MRTB). Ce dispositif accompagne les jeunes pousses et les commerçants traditionnels dans leur digitalisation, en leur offrant un cadre technique et juridique adapté.
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Cette transformation du commerce s’accompagne d’une montée en gamme du consommateur. Les acheteurs ne se contentent plus de la simple transaction : ils veulent une expérience complète. Rapidité, fiabilité, droit au retour, service après-vente réactif… Les standards changent, et les plateformes locales s’y adaptent. « Les acheteurs marocains comparent, vérifient et notent. Leur comportement se rapproche de celui observé sur les marchés européens. Ils ne veulent plus simplement “acheter en ligne” ; ils veulent vivre une expérience fluide, fiable et valorisante », souligne El Basrhiri.
D’ici 2030, le Maroc pourrait compter près de 10 millions d’utilisateurs actifs du e-commerce. Mais plus que la croissance du chiffre d’affaires, c’est la maturité du modèle qui se joue. Le digital et le commerce physique se rejoignent désormais dans un parcours client sans frontières. « Nous allons vers un modèle hybride, où la frontière entre commerce en ligne et commerce physique s’efface. L’acheteur peut découvrir un produit en boutique et le commander plus tard sur une application, ou inversement. L’important, c’est la cohérence de l’expérience client », analyse le consultant.
Cette hybridation pourrait bien donner naissance à un modèle marocain du commerce digital ancré dans les spécificités culturelles, mais ouvert sur le monde. Pour El Basrhiri, le défi dépasse le simple acte d’achat : « Le e-commerce doit devenir un levier d’autonomisation économique, notamment pour les jeunes et les femmes. C’est aussi un moyen de valoriser la production locale et de connecter les régions au marché national et international. » En d’autres termes, le commerce en ligne est en train de tisser un réseau invisible, reliant le rural à l’urbain, le petit producteur au consommateur connecté, la création locale à la demande mondiale.
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Le e-commerce marocain n’est plus un marché émergent : c’est une culture en devenir. Dans les salons, dans les bus, dans les cafés, les Marocains naviguent entre stories et vitrines digitales, comparent les prix, likent un produit avant de le recevoir deux jours plus tard. Ce geste anodin résume la mutation d’un pays entier. Comme le conclut Anouar El Basrhiri : « Le e-commerce marocain n’est pas seulement un marché en expansion, c’est le miroir d’une société en mouvement».
Interview avec Anouar El Basrhiri,DG de TMS Consulting
Challenge : Le e-commerce marocain a connu une hausse de plus de 65 % du nombre d’acheteurs en cinq ans. Quels sont, selon vous, les facteurs clés qui expliquent cette accélération ?
Anouar El Basrhiri : Je peux dire que cette croissance spectaculaire du e-commerce marocain s’explique par une combinaison de facteurs structurels et comportementaux. D’abord, la démocratisation de la connectivité comme l’accès à Internet mobile s’est largement généralisé, même dans les zones semi-urbaines, grâce à la baisse du coût des données et à la couverture 4G. J’ajoute également, que le profil du consommateur marocain a évolué, il est devenu plus jeune, plus connecté et plus exigeant en matière de confort et de rapidité. L’achat en ligne est devenu un réflexe, surtout pour les produits du quotidien, la mode, et l’électronique et il faut reconnaître aussi le rôle des plateformes locales et régionales qui ont popularisé les achats en ligne, mais aussi celui des petits commerçants et créateurs qui, grâce aux réseaux sociaux, ont trouvé un canal direct vers leurs clients.
Challenge : Le programme Moroccan Retail Tech Builder (MRTB) ambitionne de structurer un écosystème d’innovation. Comment ce type d’initiative peut-il favoriser l’émergence de champions marocains du e-commerce et des solutions “made in Morocco” ?
Le programme MRTB représente un avantage stratégique. Il ne s’agit pas seulement d’un incubateur, mais d’un véritable catalyseur d’écosystème parce que en soutenant les startups marocaines dans la fintech, la logistique, la data ou le marketing digital, ce programme peut créer des solutions “made in Morocco” adaptées au marché local. Réellement ce que le Maroc attend, ce ne sont pas uniquement des plateformes de e-commerce, mais des technologies de support dans paiement, IA, traçabilité, logistique, CRM et qui permettront de bâtir un modèle durable et compétitif.
Challenge : L’accord stratégique entre les ministères de l’Industrie et de la Transition numérique marque une nouvelle étape. Quels changements majeurs attendez-vous en matière de cadre juridique, de fiscalité et de compétitivité pour les cinq prochaines années ?
L’accord entre le ministère de l’Industrie et celui de la Transition numérique marque une volonté claire de tous les acteurs pour créer un cadre plus équitable, plus digital et plus compétitif. Sur le plan juridique, on peut s’attendre à une mise à jour du cadre du commerce électronique, avec plus de clarté sur la responsabilité des plateformes et la protection des consommateurs. Sur le plan fiscal, une simplification des régimes pour les e-commerçants et auto-entrepreneurs digitaux serait un grand pas vers la formalisation du secteur et je termine par le plan de la compétitivité, la digitalisation des PME, la logistique intelligente, et la formation des talents digitaux seront des leviers déterminants pour faire du Maroc un hub du e-commerce africain dans les cinq ans à venir.
2025-11-22 15:30:00
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