Dette extérieure : Le Maroc affiche des remboursements record en 2024
La dette extérieure combinée des pays à revenu faible et intermédiaire s’est élevée en 2024 au niveau record de 8.900milliards de dollars. Ces pays ont déboursé, la même année, un montant sans précédent de 415 milliards de dollars rien qu’en intérêts. Pour le Maroc, l’encours de la dette extérieure s’est établi à 67,99 milliards de dollars en 2024, soit son deuxième niveau le plus élevé jamais enregistré.
Un endettement marocain sous pression
Dans le détail, le stock de la dette extérieure à long terme du Royaume s’élève à 57,20 milliards de dollars en 2024, dont 45,72 milliards garantis par le secteur public et 11,47 milliards de dette privée non garantie. Cette évolution s’inscrit dans une tendance de forte croissance depuis 2010 : la dette extérieure totale est passée de 27,34 milliards de dollars en 2010 à 66,01 milliards en 2020, puis 65,68 milliards en 2021, 64,97 milliards en 2022, avant d’atteindre son pic de 69,632 milliards en 2023.
Le service de la dette à long terme s’est alourdi progressivement, dépassant la barre des 5 milliards de dollars en 2020, dont plus de 4 milliards pour les remboursements du principal. En 2024, le Maroc a remboursé 5,22 milliards de dollars en principal (dont 4,41 milliards pour le secteur public et 811 millions pour le secteur privé) et versé 1,79 milliard de dollars en intérêts (dont 1,65 milliard pour le secteur public et 139 millions pour le secteur privé). Au total, cela représente un service de la dette à long terme record de 7,02 milliards de dollars en 2024.
De nouveaux financements, mais à quel prix ?
En 2024, le Maroc a obtenu 8,61 milliards de dollars en nouveaux décaissements à long terme, dont 6,86 milliards pour le secteur public et 1,75 milliard pour le secteur privé. Ces chiffres sont en hausse par rapport à 2023 (6,43 milliards) et constituent même le niveau le plus élevé depuis 2020 (9,31 milliards, en raison de la crise sanitaire Covid-19).
Cependant, le rapport souligne que, pour les pays en développement, les taux d’intérêt moyens sur les nouveaux prêts contractés en 2024 ont atteint leur plus haut niveau depuis 24 ans pour les créanciers publics et 17 ans pour les créanciers privés. Il note aussi que, sur les marchés obligataires, les taux se situaient autour de 10%, soit environ le double des niveaux d’avant 2020.
La diversification des créanciers
Le Maroc présente un portefeuille de créanciers diversifié. En 2024, la Banque mondiale demeure le principal bailleur de fonds du Maroc. Les données sur la «Dette publique et garantie publique» montrent que les créanciers multilatéraux représentent 49%, avec 21% pour la Banque mondiale et 10% pour la Banque africaine de développement. Les créanciers bilatéraux représentent eux 15%, avec 6% pour l’Allemagne, 5% pour la France et 2% pour le Japon. Quant aux créanciers privés, ils pèsent 36%, dont 29% via des obligations et 7% des banques commerciales.
Le Maroc dispose également d’une dette extérieure à court terme de 7,504 milliards de dollars en 2024, en baisse significative par rapport aux 10,160 milliards de 2023. L’utilisation des crédits du Fonds monétaire international (FMI) et des allocations de droits de tirage spéciaux (DTS) s’élève à 3,285 milliards de dollars en 2024, en baisse par rapport à 2023.
Selon le rapport, il est plus difficile d’obtenir des financements à faible coût, sauf auprès des banques multilatérales de développement. Ainsi, de nombreux pays en développement se sont tournés vers des créanciers intérieurs – banques commerciales et institutions financières locales. Sur les 86 pays pour lesquels la Banque mondiale dispose de données, plus de la moitié ont vu leur dette publique intérieure augmenter plus rapidement que la dette publique extérieure.
«Cela montre que les marchés financiers locaux évoluent», souligne Haishan Fu, statisticienne en chef de la Banque mondiale. «Toutefois, des emprunts intérieurs massifs peuvent inciter les banques nationales à privilégier les obligations d’État, plutôt que de prêter au secteur privé local. La dette publique contractée auprès de créanciers nationaux est en outre soumise à des échéances plus courtes, ce qui peut augmenter le coût du refinancement. Les gouvernements doivent par conséquent veiller à ne pas en abuser», alerte Haishan Fu.
Le rapport présente également une analyse alarmante des conséquences du fardeau de la dette publique sur la vie quotidienne des habitants des pays en développement. Il en ressort que, dans les 22 pays les plus endettés (c’est-à-dire ceux dont l’encours de la dette extérieure représente plus de 200% des recettes d’exportation), 56% des habitants en moyenne ne peuvent pas se permettre une alimentation saine et nutritive.
Pour le Maroc, le service de la dette extérieure (le remboursement des capitaux empruntés ainsi que le paiement des intérêts) représente 13% de ses recettes d’exportation et 6% du revenu national brut (ces ratios sont des indicateurs de la pression financière qui pèse sur l’économie marocaine). Cela signifie que pour chaque 100 dirhams exportés, 13 dirhams servent uniquement à rembourser des créanciers étrangers.
2025-12-05 08:30:00
lematin.ma




