Brahim Benjelloun Touimi : L’Afrique a besoin d’harmonisation, pas d’uniformisation (AFIS 2025)

Pour le Président de la bourse de casablanca, l’Afrique dispose d’un potentiel immense, mais encore trop fragmenté. « C’est à la fois un tableau prometteur et un motif de regret, car si le continent recèle d’énormes perspectives, il souffre encore d’une fragmentation des marchés », a-t-il observé. D’où la nécessité, selon lui, de renforcer les interconnexions et de créer des passerelles entre les différentes places boursières africaines. « Notre objectif n’est pas de copier ni de dupliquer des modèles, mais de bâtir des ponts. L’uniformisation n’est pas la voie à suivre. Ce qu’il faut, c’est de l’harmonisation », a-t-il insisté, appelant à un travail de fond de la part de l’ensemble des acteurs de l’écosystème.

Brahim Benjelloun Touimi a tenu à rappeler que la construction d’un marché financier africain intégré ne relève pas uniquement de la responsabilité des pouvoirs publics. « Je ne parle pas seulement des autorités publiques ou privées, ni des banquiers centraux ou commerciaux. Je parle de l’ensemble de l’écosystème », a-t-il souligné, estimant que cette dynamique doit s’appuyer sur une « volonté politique et une volonté de coexistence » entre les différentes parties prenantes.

Touimi a rappelé la nécessité de définir un « agenda collectif », commun à l’ensemble des acteurs du développement financier en Afrique. « Cet agenda ne doit pas être celui des seules autorités publiques. Il doit être collectif, partagé, commun », a-t-il affirmé, ajoutant que cette démarche constitue le seul moyen d’avancer vers une « véritable souveraineté financière africaine », à construire dans la durée.

Dans ce contexte, le président de la bourse de casablanca a cité le projet African Exchange Linkage Project, qui vise à relier plusieurs bourses africaines afin de faciliter la circulation des capitaux entre les pays. « C’est un outil déjà en place, mais pour l’instant, les résultats restent modestes : seulement quelques milliers d’actions échangées, trois devises et cinq places boursières concernées », a-t-il reconnu. « Ce n’est pas encore un succès, mais c’est un début. Le chemin sera long, la patience est de mise », a-t-il ajouté, en insistant sur la nécessité d’adopter une approche holistique, impliquant tous les segments de la chaîne financière.

Interrogé sur les conditions nécessaires à la mobilisation du capital à l’échelle continentale, Brahim Benjelloun Touimi a souligné le rôle crucial de la profondeur des marchés de capitaux africains. « Nous avons besoin de marchés de capitaux plus profonds, plus liquides, capables de refléter la démographie et la vitalité économique du continent », a-t-il affirmé. Il a également évoqué la question monétaire, considérée comme un frein majeur à l’investissement intra-africain. « Comment demander à un investisseur d’adopter une monnaie locale s’il ne peut ni la valoriser, ni en sortir, ni l’utiliser pour régler des transactions ? », a-t-il interrogé, insistant sur la nécessité d’assurer la convertibilité et la stabilité des monnaies africaines pour encourager les flux d’investissement.

Au-delà des questions techniques, Brahim Benjelloun Touimi a plaidé pour une approche fondée sur la coopération, la transmission du savoir et un sentiment de responsabilité collective. « Nous avons en Afrique des compétences d’un très haut niveau, formées dans les meilleures universités du monde et revenues sur le continent. Ces talents doivent être mobilisés et encouragés, non pas seulement par des incitations financières, mais par un véritable patriotisme africain », a-t-il déclaré. « Si nous sommes fiers de notre identité africaine, alors cette fierté doit se traduire par une volonté commune d’agir ensemble. »