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Ahmed El Bouari : «Le programme de la campagne agricole porte un message d’encouragement et d’espoir pour les agriculteurs et les éleveurs»

Ahmed El Bouari : «Le programme de la campagne agricole porte un message d’encouragement et d’espoir pour les agriculteurs et les éleveurs»

Ahmed El Bouari : «Le programme de la campagne agricole porte un message d’encouragement et d’espoir pour les agriculteurs et les éleveurs»

Lancée depuis la commune d’Ayacha, dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, la campagne agricole 2025-2026 s’ouvre dans un contexte particulièrement sensible pour le secteur. Après sept années marquées par la sécheresse, l’irrégularité des précipitations et la hausse continue du coût des intrants, le ministère de l’Agriculture active un dispositif d’une ampleur inédite pour stabiliser la production, renforcer la résilience du monde rural et préserver la souveraineté alimentaire nationale. Irrigation de complément, généralisation progressive de l’assurance agricole, mobilisation de 1,5 million de quintaux de semences certifiées, extension du semis direct, maintien des prix des engrais phosphatés, reconstitution du cheptel : chaque levier est activé pour sécuriser la campagne et accompagner les agriculteurs dans un environnement climatique toujours plus hostile.

Au-delà des mesures techniques, Ahmed El Bouari insiste sur l’importance d’un soutien de proximité, d’une mobilisation collective et d’une vision hydrique fondée sur le dessalement, les interconnexions et l’efficacité. Entre gestion de l’urgence et transformation structurelle, le ministre défend une trajectoire de modernisation accélérée de l’agriculture marocaine, tout en appelant les professionnels à garder confiance. Une campagne placée sous le signe de la résilience, de l’innovation et de l’espoir.

Challenge : La campagne agricole 2025-2026 a été officiellement lancée à Tanger-Tétouan-Al Hoceïma dans des conditions météorologiques favorables. Quel message souhaitez-vous adresser aux agriculteurs et aux acteurs du secteur à ce moment clé de la saison ? 

Ahmed El Bouari : La campagne agricole 2025/2026 a été lancée officiellement le vendredi 14 novembre 2025, dans la commune d’Ayacha (province de Larache). Cette nouvelle campagne intervient dans un contexte marqué par un déficit pluviométrique persistant, une répartition irrégulière des précipitations et la succession de sept années de sécheresse, auxquels s’ajoute l’augmentation du coût des intrants.

Face à ces défis, et dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie Génération Green 2020-2030, le ministère a déployé une série de mesures visant à garantir la réussite de la campagne. Ces actions portent notamment sur l’approvisionnement en semences et engrais, le soutien aux filières agricoles, la gestion de l’eau d’irrigation, l’assurance agricole, le financement et l’accompagnement des agriculteurs.

C’est un message d’encouragement et d’espoir à l’adresse des agriculteurs et éleveurs pour poursuivre leurs efforts de production et leurs contributions à la résilience de notre secteur et notre sécurité alimentaire. Tous les acteurs de l’écosystème agricole sont appelés à intensifier leurs efforts pour assurer la bonne mise en œuvre du programme de la campagne, aussi bien pour les grandes cultures que pour les cultures maraîchères d’automne.

En espérant que Dieu nous accorde des précipitations suffisantes pour une campagne fructueuse.

Challenge : Près d’un million d’hectares seront couverts par l’assurance agricole multirisque climatique. Comment cette couverture protégera-t-elle concrètement les agriculteurs face aux aléas climatiques ?

A.E.B : Face à la multiplication des aléas climatiques – sécheresses successives, irrégularité des pluies et épisodes extrêmes – l’assurance multirisque climatique constitue aujourd’hui un outil essentiel de protection des agriculteurs. Elle leur permet non seulement de compenser les pertes de production, mais aussi de préserver leur capacité à couvrir les charges engagées et à relancer la campagne suivante, évitant ainsi l’endettement et la fragilisation économique.

Dans le cadre du Plan Maroc Vert puis de Génération Green, le ministère, en partenariat avec la MAMDA, a renforcé ce dispositif pour sécuriser les investissements agricoles, soutenir la résilience du monde rural et contribuer à la souveraineté alimentaire. Près de 1 million d’hectares sont déjà assurés chaque année, avec un objectif de 2,5 millions d’hectares à l’horizon 2030 pour les cultures annuelles et l’arboriculture.

Aujourd’hui, trois mécanismes complémentaires structurent l’assurance agricole au Maroc :

• L’Assurance Multirisque Climatique (MRC) : Destinée aux zones favorables pour les céréales, légumineuses et oléagineux, où l’État subventionne les primes. Les capitaux assurés ont été fortement revalorisés, allant de 1 900 à 5 000 DH/ha, voire 5 500 DH/ha pour les agriculteurs performants. L’objectif est de couvrir 550 000 hectares cette campagne.

• Le Programme de Résilience et d’Adaptation Climatique (PRAC) : Ciblant les zones les plus vulnérables à la sécheresse et qui ne sont plus éligibles à bénéficier de l’assurance privée MRC, il offre une allocation directe allant jusqu’à 350 DH/ha, avec une cotisation symbolique de 20 DH/ha. Ce dispositif 100 % étatique, dont la gestion est confiée à la MAMDA, vise 450 000 hectares cette année. Une étude est en cours pour y intégrer des solutions indicielles afin d’améliorer sa rapidité et son efficacité.

• L’Assurance Multirisque Arboriculture (MRA) : Entièrement financée par l’État et dont la gestion est confiée à la MAMDA, elle protège les arbres fruitiers contre les principaux risques climatiques, avec des capitaux pouvant atteindre 34 500 DH/ha. Elle couvre 50 000 hectares et fait actuellement l’objet d’une refonte pour évoluer vers un modèle privé soutenu par l’État, mieux adapté aux exigences de cette filière à forte valeur ajoutée.

En résumé, l’extension de la couverture assurantielle permet de sécuriser les revenus des agriculteurs, de réduire l’impact des sécheresses et de renforcer la stabilité et la compétitivité du secteur. Le ministère poursuit ses efforts pour rendre ces mécanismes encore plus performants et inclusifs, afin de soutenir l’émergence d’une classe moyenne rurale solide et résiliente.

Challenge : Un million et demi de quintaux de semences certifiées seront disponibles à prix subventionnés, avec de nouvelles primes de stockage. Quels effets attendez-vous sur la productivité et la rentabilité des exploitations ?

A.E.B : La mobilisation de 1,5 million de quintaux de semences certifiées à prix subventionnés – dont 1,2 million de quintaux fournis par la SONACOS – constitue l’une des mesures les plus déterminantes pour la réussite de la campagne agricole. Ce dispositif, soutenu par l’État, garantit des prix accessibles aux agriculteurs dans toutes les régions et assure la continuité du système national de semences sélectionnées, tout en préservant la productivité de l’ensemble des acteurs du secteur.

L’usage de semences certifiées issues de variétés améliorées représente un levier majeur de performance : la composante génétique contribue à hauteur d’environ 50 % à l’amélioration des rendements. Ces variétés offrent une meilleure résistance aux parasites, une bonne adaptation aux conditions environnementales et une qualité répondant aux exigences du marché.

Grâce aux aides accordées via le Fonds de Développement Agricole, le taux d’utilisation des semences certifiées céréalières est passé de 11 % avant le PMV à 22 % aujourd’hui, avec des résultats probants en matière de productivité. Le dispositif est renforcé cette année par :

• la reconduction du soutien aux semences des principales céréales et l’élargissement à d’autres espèces (avoine, triticale, légumineuses alimentaires et fourragères) ;

• des subventions allant de 180 à 395 DH/quintal selon les espèces;

• et l’augmentation du stock stratégique bénéficiant de la prime de stockage (5 DH/qx/mois) porté à 400 000 quintaux, pour la tenue d’un stock stratégique annuel équivalent à 30 % des disponibilités en semences céréalières certifiées conformément au contrat-programme de la filière.

Ces mesures combinées devraient améliorer sensiblement la productivité, la résilience et la rentabilité des exploitations, tout en diversifiant l’offre en semences certifiées à des prix compétitifs.

Challenge : Le programme national de semis direct couvre cette année plus de 400 000 hectares. Quelles barrières restent à lever pour que les agriculteurs adoptent pleinement cette technique ?

A.E.B : Dans le cadre de la stratégie Génération Green 2020-2030, le Programme national de semis direct, lancé en 2021, ambitionne d’atteindre 1 million d’hectares en 2030. Pour la campagne 2025/2026, plus de 400 000 hectares sont programmés.

L’adoption généralisée de cette technique reste toutefois freinée par trois principaux facteurs :

• la disponibilité insuffisante de semoirs adaptés aux petits et moyens agriculteurs ;

• le besoin de renforcer la vulgarisation et la formation sur les bonnes pratiques ;

• et la nécessité d’une meilleure sensibilisation aux avantages agronomiques, économiques et environnementaux du semis direct.

Pour lever ces barrières, le ministère mène un ensemble d’actions structurantes :

• 348 semoirs ont été distribués entre 2022 et 2024, et 235 nouveaux semoirs seront distribués en 2025/2026 ;

• des formations sont organisées sur l’usage, l’entretien et la gestion du matériel ;

• des incitations financières du Fonds de Développement Agricole (FDA), couvrant 50 % du coût d’acquisition, encouragent l’équipement ;

• un accompagnement rapproché est assuré à travers le conseil agricole, les plateformes de démonstration, les écoles aux champs et la création de sociétés de services ;

• un programme de R&D continue (plateformes d’innovation, cartes de viabilité du sol) ;

• une plateforme digitale dédiée facilite le suivi et l’information;

• et depuis 2024, un nouveau niveau de capital assuré dans le cadre de l’assurance multirisque climatique MRC est introduit, adapté aux exploitations en semis direct.

Ces actions visent à accélérer l’adoption de cette technique durable et à en faire un levier majeur de résilience et d’efficience pour les grandes cultures au Maroc.

Challenge : Le marché sera approvisionné en 650 000 tonnes d’engrais phosphatés au même prix que la saison précédente. Comment ce dispositif contribue-t-il à stabiliser les coûts de production et renforcer la compétitivité du secteur ?

A.E.B : En assurant un approvisionnement régulier et à prix maîtrisés, l’État permet aux agriculteurs d’éviter les situations de sous-fertilisation liées au coût des intrants. Cela se traduit par des rendements plus réguliers, une meilleure qualité des productions et une optimisation de l’usage des terres. Cette stabilité est essentielle car les engrais phosphatés représentent 8 à 15 % des coûts de fertilisation, notamment pour les fruits et légumes.

Le maintien de leurs prix contribue donc à maîtriser les coûts de production, améliorer les marges des agriculteurs – surtout les petites et moyennes exploitations – stabiliser les prix agricoles grâce à des charges plus prévisibles, renforcer la compétitivité et la productivité des filières végétales et assurer la sécurité alimentaire grâce à une disponibilité régulière des intrants.

En définitive, ce dispositif constitue un levier majeur de compétitivité des filières, de résilience et de souveraineté agricole.

Challenge : Le programme de reconstitution du cheptel mobilise 12,8 milliards de DH et combine aides financières, vaccination et encadrement technique. Quels premiers résultats attendez-vous et comment comptez-vous mesurer son impact sur la filière ?

A.E.B : Le programme national de reconstitution du cheptel, doté de 12,8 milliards de dirhams, vise à soutenir durablement les éleveurs et à relancer la dynamique de production. Élaboré sous les Hautes Instructions de Sa Majesté le Roi, que Dieu L’assiste, et en coordination avec les ministères de l’Intérieur et des Finances, il repose sur cinq actions majeures :

• Aides financières directes aux éleveurs pour l’achat d’aliments du bétail ;

• Aides financières directes aux éleveurs pour la préservation des brebis et chèvres reproductrices;

• Allègement de la dette des éleveurs en partenariat avec le Crédit Agricole;

• Campagnes de vaccination contre les maladies à incidence économique ;

• Encadrement technique des éleveurs et accompagnement de proximité.

Le programme a démarré par un recensement national, qui a permis d’identifier 32,8 millions de têtes et 1,2 million d’éleveurs, étape clé pour attribuer des aides ciblées et équitables. À ce jour, près de 900 000 éleveurs enregistrés ont déjà reçu les aides de la première tranche, couvrant à la fois l’alimentation du bétail et une avance sur la préservation des femelles reproductrices. Les versements se poursuivent jusqu’à couvrir l’ensemble des éleveurs concernés avant la fin de l’année.

Ce dispositif apporte un soutien déterminant aux petits et moyens éleveurs, allège leurs charges, garantit l’alimentation du bétail et permet la conservation des femelles reproductrices, assurant ainsi une reconstitution progressive et durable du cheptel national. Il contribuera également à stabiliser les prix de la viande rouge et à limiter les fluctuations liées aux coûts de production.

Pour mesurer l’impact du programme, le ministère assure un suivi continu des principaux indicateurs, notamment la disponibilité de la viande rouge et des volumes d’abattage, l’évolution des prix des aliments du bétail et les prix de la viande à la sortie des abattoirs.

Ce dispositif de suivi permet d’ajuster en temps réel les interventions afin de garantir l’efficacité du programme et d’en maximiser les retombées sur la filière.

Challenge : Quelle est votre vision à long terme de l’irrigation ?

A.E.B : Dans un contexte de stress hydrique marqué par une réduction continue des volumes d’eau alloués à l’agriculture, la vision stratégique de l’irrigation repose sur une transformation profonde du modèle de gestion de l’eau, afin de sécuriser durablement l’agriculture irriguée face au stress hydrique et aux effets du changement climatique. Inspirée des Hautes Orientations Royales, cette vision place l’équilibre entre besoins ruraux et urbains au cœur de la stratégie, en considérant l’irrigation comme un pilier de stabilité socio-économique, de résilience climatique et de souveraineté alimentaire.

Cette stratégie s’articule autour de trois axes majeurs :

1. Accélérer l’interconnexion des bassins hydrauliques (Sebou-Bouregreg-Oum Rbia, Laou-Loukkos-Sebou) pour retenir le maximum des eaux actuellement perdues en mer. Ces projets permettront l’exploitation de 1 milliard de m³ d’eau pour une répartition spatiale équilibrée des ressources hydriques nationales.

2. Renforcer le recours au dessalement de l’eau de mer, avec pour objectif de mobiliser plus de 1,7 milliard de m³ d’eau dessalée pour assurer l’alimentation des villes côtières, libérer les ressources conventionnelles au profit de l’irrigation et développer une nouvelle offre dédiée au soutien de l’irrigation dans les zones les plus touchées par le déficit hydrique. Les grandes stations en cours ou projetées (Casablanca, Rabat, Oriental, Souss Massa, Safi, Jorf, Oum Erbia Tansift, …) permettront de :

• libérer des volumes importants pour l’agriculture ;

• réduire la compétition entre villes et agriculture ;

• sécuriser l’approvisionnement des bassins intérieurs à partir des zones littorales.

3. Ancrer l’efficacité hydrique dans les politiques agricoles, en soutenant la transition généralisée vers l’irrigation localisée. Les efforts considérables déployés ont permis d’augmenter de manière significative les superficies irriguées par cette technique, dépassant aujourd’hui les 900000 hectares.

Cette vision permettra de sécuriser et de pérenniser un stock hydrique stratégique au service de la souveraineté alimentaire nationale et du développement des territoires, qui contribuera à :

• consolider nos acquis en matière de productions de fruits, légumes, huile, sucre, lait, viande, etc., par la pérennisation des dotations en eau des périmètres irrigués existants sur près de 700000 ha ;

• développer l’irrigation de complément pour les céréales dans les zones de production les plus favorables, afin de garantir des niveaux stratégiques et stables de production quelles que soient les conditions climatiques ;

• assurer un approvisionnement durable et régulier du marché national en fruits et légumes, tout en renforçant notre offre export sur les produits agricoles à avantage comparatif, grâce au développement de projets d’irrigation par dessalement de l’eau de mer dédiés aux cultures à haute valeur ajoutée.

En résumé, cette vision de l’irrigation vise à bâtir un système de production résilient, efficient et territorialement équilibré, fondé sur le dessalement, les interconnexions hydrauliques, la modernisation de l’irrigation et la sécurisation de l’agriculture irriguée. Elle ambitionne de concilier sécurité alimentaire, développement territorial et gestion durable des ressources en eau dans un contexte de changement climatique accéléré.

2025-12-05 09:00:00

www.challenge.ma

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