Addou : Non, pas de flotte verte pour RAM, mais une expansion maîtrisée
«L’industrie fonctionne avec le même outil depuis 70 ans»
L’autre levier de décarbonation évoqué par M. Addou est lié à l’amélioration de la régulation et du contrôle aérien, qui progresse lentement. «Cela prend du temps à se mettre en place. Dans la région arabe, les régulations sont bonnes et nous arrivons à avoir un système efficace. Mais dans d’autres régions du monde, la planification des vols n’est pas aussi optimisée, ce qui entraîne une surconsommation de carburant», note-t-il.
Quatrième levier évoqué : le carburant d’aviation durable (SAF). Une piste prometteuse sur le papier, mais quasi inexistante dans la réalité actuelle. M. Addou rappelle que sa compagnie a réalisé quelques vols avec biocarburant (vers les États-Unis et l’Europe), mais l’utilisation durable à grande échelle est impossible. «Au-delà du prix très élevé, les volumes ne sont pas disponibles. Il n’y a pas assez de production», déplore-t-il.
Livraisons d’appareils : la tension s’atténue, mais la prudence reste de mise
Face à cette réalité et aux échéances cruciales comme la Coupe d’Afrique 2025 et 2030, RAM a pleinement activé le volet location (leasing), prévu initialement dans le contrat-programme. La compagnie est couverte a priori jusqu’à fin 2028 grâce à des contrats de location continus, ce qui permet d’assurer le «bridge» en attendant les livraisons futures. À terme, sur les 10 prochaines années, il est envisagé qu’environ un tiers de l’ensemble de la flotte serait sous contrat de location.
Acquisition d’avions : les résultats de l’appel d’offre bientôt dévoilés
Le responsable a souligné la nécessité de diversifier les fournisseurs au-delà des segments déjà maîtrisés (comme le 737 MAX ou le 787). Cette diversification est jugée «plus judicieuse et plus efficace» pour RAM, car elle permet de «créer de l’émulation» entre les constructeurs et d’assurer des partenaires solides pour accompagner la compagnie, y compris durant les périodes compliquées.
Sur le plan financier, RAM explore de nouvelles sources de financement, dans le sillage de la réforme des établissements publics. «Nous étudions des pistes classiques, comme le financement bancaire ou des accompagnements avec exonérations fiscales, mais aussi des solutions plus innovantes, notamment avec des fonds souverains marocains», fait savoir le dirigeant, ajoutant que la compagnie dispose du temps nécessaire pour structurer ces financements, étant donné que les premières livraisons n’arrivent qu’en 2028-2029.
Ressources humaines : des pilotes étrangers en renfort
L’expansion rapide de la flotte met aussi la formation des équipages sous tension. «Le rythme d’arrivée des nouveaux avions est supérieur à celui de formation des pilotes. Chaque promotion met environ trois ans et demi à être opérationnelle», explique le PDG. RAM recrutera donc environ 200 pilotes étrangers sous contrat à durée déterminée (CDD). «Il n’y a aucun tabou. C’est un bridge temporaire, le temps que nos pilotes formés à l’académie soient prêts», affirme le dirigeant qui se réjouit de l’engouement que rencontre la compagnie auprès des professionnels. «Les pilotes étrangers sont heureux d’être chez nous. Ils savent le sérieux de nos process, de notre encadrement. C’est valorisant pour Royal Air Maroc», relève-t-il.
Marché intérieur et souveraineté de service public
Quant à un éventuel virage vers le low-cost, Addou ferme la porte : «Le low cost est un ADN, une philosophie. Peu de compagnies régulières ont réussi à créer une filiale low cost viable. Nous, notre ambition, c’est un outil souverain marocain, compétitif et au service du client», lance-t-il, rappelant que le Maroc dispose déjà de 44 ou 45 compagnies low cost installées grâce au traité Open Sky.
Expansion internationale : cap sur de nouveaux horizons
En Europe, après avoir consolidé l’Ouest, le Sud et le Centre, RAM prévoit de se concentrer sur l’Europe de l’Est et l’Europe du Nord, encore peu desservies. M. Addou évoque également un renforcement des liaisons avec l’Amérique du Nord (États-Unis, Canada), un marché crucial en développement, complété par l’ouverture de routes vers l’Amérique du Sud. Sans oublier Le Moyen-Orient qui est aussi un marché important, à fort potentiel diplomatique, touristique et économique. Quant à l’Asie, RAM y ouvrira «quelques routes» mais n’a «pas l’ambition de devenir un acteur majeur» sur ce continent, la concurrence des grands transporteurs, notamment du Golfe, étant trop forte.
Une stratégie continue et des résultats au rendez-vous
En termes d’exécution stratégique, RAM est «parfaitement en ligne» avec les objectifs fixés lors de la signature du contrat-programme il y a deux ans, ayant même «ouvert plus de routes que prévu» et étant en avance sur le chiffre d’affaires. «Je suis très optimiste car la tendance est positive. Je ne prétends pas qu’elle le restera indéfiniment, car notre industrie peut se montrer fragile face à certaines évolutions géopolitiques. Cependant, jusqu’à présent, nous avons fait preuve de résilience. Nos performances actuelles nous encouragent non seulement à poursuivre notre développement, notamment par l’ouverture de nouvelles routes, mais aussi à investir davantage dans notre capital humain : la formation, l’orientation client… De grands chantiers ont été lancés, et nous en voyons les résultats aujourd’hui. Nous sommes vraiment très satisfaits de ces résultats», conclut-il.
2025-11-05 17:05:00
lematin.ma



