IDE : le Maroc se maintient 2e en Afrique du Nord, mais hors du Top 10 continental en 2024

Alors que les flux mondiaux d’investissements directs étrangers (IDE) ont reculé pour la deuxième année consécutive, le Maroc affiche une reprise notable en 2024 et s’installe comme le deuxième pays d’Afrique du Nord le plus attractif, selon le rapport 2025 de l’ONU Commerce et développement (Cnuced), publié le 19 juin.

Les flux mondiaux d’IDE ont baissé de 11% en 2024 à 1.493 milliards de dollars, révèle l’étude. Cette contraction confirme la tendance à la baisse des investissements productifs, affectés par les tensions géopolitiques, la fragmentation commerciale, l’intensification de la concurrence industrielle et une incertitude croissante qui redessinent la carte mondiale des capitaux. Malgré une apparente hausse de 4% des flux globaux, atteignant 1.500 milliards de dollars, ce chiffre est largement artificiel. Il est gonflé par des flux financiers volatils circulant dans certaines économies européennes servant de centres de transit financier. En réalité, si l’on exclut ces économies de passage, la baisse effective est bien de 11%.

Dans ce paysage mondial instable, les performances varient fortement selon les régions. Les économies développées ont vu leurs flux chuter de 22%, avec une baisse spectaculaire de 58% en Europe. À l’inverse, l’Amérique du Nord a résisté à la tendance avec une hausse de 23%, tirée par les États-Unis. En Afrique, les flux ont explosé de 75%, pour atteindre un niveau record de 97 milliards de dollars en 2024 (soit 6% des IDE mondiaux), mais ce chiffre exceptionnel est largement dû à un seul mégaprojet en Égypte. Hors celui-ci, l’Afrique affiche tout de même une hausse notable de 12% à 62 milliards de dollars, soit 4% des flux mondiaux, signe d’un regain d’intérêt structurel soutenu par des réformes réglementaires et une meilleure facilitation des investissements. L’Afrique du Nord arrivant en tête.

Le Maroc affiche sa résilience

C’est dans ce contexte que le Maroc enregistre une progression significative. Après une année 2023 particulièrement morose, marquée par un effondrement de ses IDE à 1,055 milliard de dollars (contre 2,26 milliards en 2022), le pays a rebondi en 2024 avec une hausse de 55%, atteignant 1,64 milliard de dollars. Cette remontée lui permet de se hisser au deuxième rang des pays d’Afrique du Nord, loin derrière l’Égypte (46,6 milliards), mais devant l’Algérie (1,44 milliard) et la Tunisie (936 millions).

La hausse spectaculaire des IDE en Égypte, qui atteignent 46,6 milliards de dollars en 2024, est principalement attribuable au projet de développement urbain de Ras El-Hekma, d’une valeur annoncée de 35 milliards de dollars. Si cette performance de l’Égypte en 2024 doit donc être considérée comme une exception ponctuelle, ce pays a attiré plus de 8,2 milliards de dollars en moyenne entre 2019 et 2023.

Si dans la sous-région d’Afrique du Nord, le Maroc affiche sa résilience, à l’échelle continentale, il perd du terrain. Il figure hors du Top 10, au treizième rang des destinations africaines les plus attractives. Les nouveaux investissements au Maroc reposent notamment sur les projets d’envergure dans la production d’ammoniac vert et de carburant synthétique, soutenu par des capitaux venus de Chine, de France, des Émirats arabes unis et du Royaume-Uni. Le Maroc a également capté plusieurs projets d’infrastructure de taille moyenne dans le secteur de la construction, confirmant son positionnement croissant sur les segments d’investissement à fort impact. En termes de stocks d’IDE, le Maroc affiche en 2024 environ 61,5 milliards de dollars. Il se classe 4e en Afrique, derrière l’Égypte (205,2 milliards), l’Afrique du Sud (113 milliards) et le Nigeria (69,2 milliards).

Le rapport montre que les investisseurs européens détiennent le plus grand stock d’IDE en Afrique, suivis des États-Unis et de la Chine. Les investissements chinois, évalués à 42 milliards de dollars, se diversifient dans des secteurs tels que l’industrie pharmaceutique et l’agroalimentaire. Un tiers des projets liés à l’initiative «Belt and Road», une initiative mondiale de développement promue par le pays, se concentre désormais sur les infrastructures sociales et les énergies renouvelables.

À l’échelle mondiale, le rapport constate que les secteurs essentiels au développement sont confrontés à une baisse des investissements. À titre indicatif, le financement international de projets, souvent essentiel pour les infrastructures, a chuté de 26% en 2024. La baisse a été particulièrement forte dans les secteurs clés pour le développement durable : énergies renouvelables (-31%), transports (-32%) et eau et assainissement (-30%).

«Trop d’économies sont laissées pour compte, non pas parce qu’elles manquent de potentiel, mais parce que le système continue d’acheminer les capitaux là où c’est le plus facile, et non là où ils sont nécessaires», a déclaré Rebeca Grynspan, secrétaire générale d’ONU Commerce et Développement. «Mais nous pouvons changer cela. Si nous alignons les investissements publics et privés sur les objectifs de développement et renforçons la confiance dans le système, les marchés nationaux et internationaux apporteront échelle, stabilité et prévisibilité, et la volatilité d’aujourd’hui pourra devenir l’opportunité de demain», a-t-elle ajouté à l’occasion de la publication du rapport. La Cnuced avertit que les niveaux d’investissement actuels sont loin de répondre aux besoins mondiaux. À lui seul, le comblement du déficit de financement des objectifs de développement durable nécessiterait environ 4.000 milliards de dollars par an dans les pays en développement, un objectif qui s’éloigne de plus en plus.

Le Rapport de la Cnuced consacre une large part à l’économie numérique, qui reste l’un des rares secteurs en croissance : +14% d’IDE en 2024 à l’échelle mondiale. Cependant, cette croissance demeure très concentrée, puisque 10 pays captent 80% des nouveaux projets. De nombreuses économies en développement restent en marge de ce boom, freinées par des carences en infrastructures, en compétences et en gouvernance. Face à ce constat, la Cnuced appelle à des réformes audacieuses pour permettre à ces pays de tirer profit du numérique, autour de sept axes : gouvernance des données et de l’intelligence artificielle, infrastructures, compétences, innovation, investissements responsables, outils politiques adaptés et règles globales inclusives.