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Comment le Maroc peut renforcer sa souveraineté logistique, selon Rachid Tahri

Comment le Maroc peut renforcer sa souveraineté logistique, selon Rachid Tahri
Le Matin : À votre avis, quels sont aujourd’hui les principaux leviers que le Maroc mobilise pour réduire sa dépendance logistique vis-à-vis de l’extérieur, notamment en matière de chaînes d’approvisionnement stratégiques ? Y a-t-il d’autres leviers à activer ?

Rachid Tahri : Le Maroc a engagé plusieurs réformes et investissements pour réduire sa dépendance logistique vis-à-vis de l’extérieur, notamment en ce qui concerne les chaînes d’approvisionnement stratégiques. Voici les principaux leviers actuellement mobilisés, ainsi que des leviers potentiels à activer.

En effet, le développement des infrastructures logistiques passe par la création de plateformes logistiques régionales, afin de rapprocher les zones de production et de consommation. On peut citer, à titre d’exemple, Zenata et les zones logistiques franches de Tanger Med. Le renforcement du rôle des ports comme hubs multimodaux connectés aux axes routiers et ferroviaires, notamment Tanger Med et Nador West Med en cours de construction, constitue également un levier essentiel.

Par ailleurs, le Maroc a opté pour une politique de soutien à la production locale, avec pour objectif la substitution des importations dans des secteurs stratégiques comme l’agroalimentaire, le pharmaceutique, le textile ou encore les équipements électriques.

Les diverses stratégies ne pouvaient être efficaces sans l’intégration de l’outil numérique dans la chaîne logistique. Le guichet unique PortNet joue un rôle important dans la fluidification des formalités du commerce extérieur grâce au suivi en temps réel des flux. En outre, la diversification des partenaires et la proximité avec des partenaires régionaux, dans l’optique de faire du Maroc un hub vers l’Afrique, réduit de manière significative sa dépendance à l’Europe et à l’Asie.

Bien évidemment, ces leviers ne sont pas exhaustifs. D’autres peuvent également s’avérer importants, comme l’accélération des projets d’énergies renouvelables, le renforcement de la formation logistique, les incitations fiscales ou encore le développement de la logistique urbaine.

Dans quelle mesure la souveraineté logistique est-elle intégrée dans la stratégie nationale de développement logistique à l’horizon 2030 ?

La Stratégie nationale de développement de la compétitivité logistique (SNDC), adoptée par le Maroc, vise à faire de la logistique un levier de compétitivité économique et de souveraineté stratégique à l’horizon 2030.

Il est important de rappeler quelques objectifs clés, qui s’articulent autour du déploiement d’un réseau de zones logistiques régionales afin de déconcentrer la logistique et de renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement locales. Cela permettra de sécuriser les flux internes et d’éviter les dépendances excessives vis-à-vis des grands hubs internationaux.

Pour accompagner cette stratégie, le Maroc organise ses connexions logistiques à travers la mise en place de corridors intégrant le rail, la route et les ports. L’exemple de la liaison entre le port de Tanger Med et le tissu industriel de la zone franche de Kénitra, ou encore le projet d’extension ferroviaire vers Nador West Med, en sont des illustrations. Ces connexions gagnent en efficacité grâce au guichet unique PortNet, qui permet aujourd’hui de tracer les flux et d’assurer une souveraineté logistique par la maîtrise de l’information.

Peut-on dire que le Maroc dispose de stocks stratégiques logistiques (produits alimentaires, énergie, intrants industriels) capables de garantir une résilience face aux chocs extérieurs ? Comment cette question est-elle abordée aujourd’hui ?

La question des stocks stratégiques logistiques au Maroc est cruciale pour évaluer sa résilience face aux chocs extérieurs tels que les crises sanitaires, les conflits géopolitiques, les hausses des prix ou les ruptures d’approvisionnement.

Aujourd’hui, le Maroc dispose de stocks stratégiques pour certains produits alimentaires, notamment les céréales, à travers l’Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses (ONICL) ainsi que des opérateurs privés. Toutefois, la gestion des capacités de stocks tournants ne doit pas être inférieure aux standards internationaux, fixés à six mois ou plus, ce qui impose une discipline rigoureuse.

Concernant les produits énergétiques, le Maroc connaît un développement soutenu de ses capacités de stockage.

Pour ce qui est des intrants industriels, le pays reste encore largement dépendant de l’importation. Néanmoins, le secteur pharmaceutique a amorcé, depuis la crise de la Covid-19, une réflexion sur les stocks stratégiques de médicaments essentiels. D’ailleurs, Sa Majesté le Roi du Maroc a procédé à l’inauguration du premier entrepôt de stockage stratégique du Royaume.

Quels rôles jouent les plateformes logistiques régionales dans le renforcement de la souveraineté logistique, notamment dans les régions enclavées ou frontalières ?

Les plateformes logistiques régionales jouent un rôle stratégique dans le renforcement de la souveraineté logistique du Maroc, en particulier pour réduire les déséquilibres territoriaux, sécuriser les chaînes d’approvisionnement locales et stimuler le développement régional.

L’objectif principal est le désenclavement et la réduction des fractures logistiques, grâce au rapprochement des services logistiques des zones de production et de consommation, y compris dans les régions les plus éloignées des grands centres. À titre d’exemple, la zone logistique d’Agadir, inaugurée en avril de cette année, en est une illustration. D’autres plateformes sont également en cours de développement. Ces initiatives permettent, bien évidemment, de réduire les coûts logistiques, mais aussi d’améliorer la compétitivité des produits locaux et de faciliter l’accès des producteurs aux marchés nationaux et internationaux.

À votre avis, comment le Maroc et les acteurs de la logistique anticipent-ils les risques géopolitiques et climatiques qui pourraient perturber ses flux logistiques internationaux (routes maritimes, corridors terrestres) ?

Il est toujours très difficile d’anticiper les risques géopolitiques. Ce qui permet de les affronter avec résilience, c’est la diversification des partenaires et des routes commerciales – un effort entrepris par le Maroc depuis plusieurs années.

La multiplication des accords de libre-échange (ALE) vise à éviter une dépendance excessive à une région spécifique. L’ouverture de nouveaux corridors, que ce soit au nord avec Nador West Med ou au Sud avec le nouveau port de Dakhla destiné à l’accès vers l’Afrique de l’Ouest, participe de cette logique.

Aujourd’hui, le port de Tanger Med est conçu comme une plateforme logistique résiliente, capable d’absorber et de rediriger les flux en cas de crise régionale.

Malgré ces avancées, une veille géopolitique sectorielle s’impose pour suivre en continu les tensions internationales.

Quels sont les partenariats technologiques ou industriels qui peuvent être envisagés pour renforcer l’autonomie logistique du pays, notamment en matière de digitalisation, de traçabilité ou de transport multimodal ?

Il est important de souligner que, pour renforcer son autonomie logistique, le Maroc doit s’appuyer sur des partenariats technologiques et industriels stratégiques, notamment dans les domaines de la digitalisation, de la traçabilité et du transport multimodal. Ces partenariats peuvent impliquer des acteurs nationaux et internationaux, publics et privés, selon des logiques de co-développement, de transfert de technologies ou de création de hubs régionaux.

La digitalisation logistique doit dépasser le stade de la simple gestion des processus pour évoluer vers une logistique intelligente et, surtout, prédictive. L’objectif principal devrait être l’équipement des PME marocaines en solutions de gestion d’entrepôts, de transport et de flux.

Il est également crucial de développer des data hubs logistiques interconnectés, éventuellement intégrés au guichet unique PortNet, afin d’anticiper les congestions grâce à un pilotage en temps réel. Le Maroc doit impérativement se concentrer sur l’intégration de l’Internet des objets (IoT) et de la blockchain dans les processus d’import et d’export. Toutes ces actions ne peuvent aboutir que dans le cadre de partenariats public-privé réguliers et pérennes.


2025-05-13 16:43:00

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