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Inactivité, chômage structurel, emplois précaires : le vrai test de l’État social

Inactivité, chômage structurel, emplois précaires : le vrai test de l’État social
Le travail ne peut être une loi sans être un droit. Un droit qui est souvent bafoué par les aléas économiques et climatiques, sans oublier les enjeux géopolitiques. Au Maroc, il est de notoriété bien établi que l’économie marocaine ne crée pas suffisamment d’emplois. Une réalité qui interroge sur ses raisons et ses conséquences, qui dans les cas les moins graves, sont des drames. Des drames, qui une fois transformés en chiffres, sont adoucis par la magie des statistiques. Un chômeur devient un simple chiffre. «Cette question ne pouvait rester insensible pour un média comme “Le Matin”, avec une ligne éditoriale qui est la nôtre. Elle est dans le cours du projet de société porté par S.M. le Roi et nous rappelle les différents appels qui se doit de soutenir pour le citoyen marocain quel qu’il soit, a droit à une dignité. Les réformes doivent être bien-être et épanouissement des Marocains, tous», souligne Mohammed Haitami, PDG du Groupe «Le Matin», à l’occasion de la conférence-débat organisée par le Groupe sur le thème «Emploi au Maroc : quelles réformes pour réduire le chômage et l’inactivité ?» Il s’agit, pour M. Haitami, d’une problématique, qui n’est pas que marocaine. «L’État social que notre pays est en train de concrétiser ne peut pas être dissocié de la problématique de l’emploi ! Plus vous avez de travailleurs, moins vous avez d’aides sociales, donc de soutenabilité du dispositif. Plus vous avez de travailleurs, plus vous avez de cotisants, de pouvoir d’achat, de contributeurs. Notre pays n’a pas de ressources qui feraient de lui une économie de rente. Il n’a que son travail pour valoriser ses richesses matérielles, immatérielles et ses services, en un mot : sa compétitivité. Pour vivre ici, il faut travailler», souligne M. Haitami. Le ton est donné !

Constat confirmé d’emblée par Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences. «La problématique de l’emploi et du chômage est très complexe. Beaucoup de pays peinent à trouver des solutions claires et efficaces. Et nous faisons partie de ceux qui sont à la recherche, d’une approche différente», note le ministre.

Le plan gouvernemental : ambitions et limites

Aussi, pour essayer de résorber le taux de chômage qui a atteint13,3%, un record historique dans l’histoire du pays, l’actuel gouvernement a concocté une feuille de route qui pèse 15 milliards de dirhams. Aux dires du ministre, son élaboration qui a pris plusieurs mois, 8 pour être précis, repose sur des hypothèses, «car il serait prétentieux de dire qu’une stratégie pourrait résoudre un problème aussi complexe que celui qui concerne une partie visible de l’iceberg, c’est-à-dire l’économie formelle que nous avons, ainsi que le nombre d’inscrits à la Caisse nationale de la sécurité sociale», précise-t-il tout en insistant sur l’ambition, tout à fait légitime de ce programme. Un programme mis en place dans le sillage d’une succussion d’année de sécheresse et de stress hydrique. «Nous avons, depuis des années, subi une succession d’années de sécheresse que nous ne pouvons pas ignorer, entraînant des pertes d’emplois au sens des normes internationales, même s’il s’agit d’emplois non rémunérés en milieu rural, représentant entre 150.000 et 200.000 personnes chaque année. Historiquement, ces flux ne dépassaient pas 50.000. Il y a un facteur nouveau que nous n’explorons pas assez, qui est l’exposition du Maroc au changement climatique», souligne le ministre et d’ajouter que ces changements sont désormais structurels. À cela s’ajoute l’exode rural exacerbé par les sécheresses successives. Et dans la mesure où dans les milieux ruraux, on ne peut parler ni de formation ni de compétence permettant aux personnes de trouver facilement un travail, les seuls secteurs qui étaient preneurs de cette main d’œuvre sont les BTP et les services. Or, ces derniers sont actuellement en crise.

Sur un autre registre, une perte inexplicable de 500.000 emplois dans l’auto-emploi a été constatée l’année dernière. Des pertes jamais enregistrées même pendant la Covid. «En plus de la réalité de l’auto-emploi et des petites entreprises (TPE, etc.), qui font face à des difficultés, il y a aussi les mesures sociales et les programmes d’aide sociale. La généralisation de la protection sociale a conduit un certain nombre de personnes, qui se déclaraient avec des revenus, mais pas des salaires, à déclarer qu’elles n’avaient plus ces revenus», explique le ministre. En somme, M. Sekkouri propose d’analyser la problématique selon trois dynamiques essentielles : l’emploi salarié, l’auto-emploi et l’emploi non rémunéré. Le marché de l’emploi a ainsi été marqué par une dynamique contrastée. D’un côté, l’emploi salarié a progressé, principalement grâce à la formalisation des postes existants sous l’effet des réformes gouvernementales. De l’autre, l’auto-emploi a fortement reculé, de nombreux travailleurs se déclarant sans revenus pour bénéficier des programmes sociaux nouvellement instaurés. Enfin, l’emploi non rémunéré, essentiellement rural, a subi une forte contraction en raison des crises climatiques récurrentes, provoquant une accentuation de l’exode vers les villes, où les perspectives restent limitées, explique le responsable gouvernemental.

Insuffisance de l’élasticité entre investissement et emploi

Cela étant, la feuille de route proposée par le gouvernement suscite des inquiétudes et des critiques. «Car elle repose sur des hypothèses sans fondement historique», note Driss Khrouz, économiste et professeur universitaire. Pour lui, il est peu probable d’atteindre un taux de croissance soutenu de 7 à 8% sur le long terme, car l’élasticité entre investissement et emploi n’est pas suffisante. «Les mécanismes comme le soutien aux entreprises ou le développement des compétences ont des effets à long terme et ne peuvent pas produire 1,4 million d’emplois d’ici 2029. Le secteur tertiaire au Maroc, bien qu’en expansion, manque de valeur ajoutée et ne joue pas un rôle de moteur de croissance. L’industrie et l’agriculture peinent à absorber la demande d’emploi, notamment à cause des politiques agricoles défavorables au développement rural. De plus, les accords de libre-échange ont nui à certains secteurs comme le textile et le bâtiment», affirme l’économiste.

Plutôt optimiste sans se détacher de la réalité, Bouchra Nhaili, présidente de l’Association nationale des gestionnaires et formateurs des ressources humaines (AGEF), estime que cette feuille de route a le mérite d’exister et que «si elle n’arrive pas à atteindre tous ses objectifs, certains seront certainement atteints et constitueront une base pour poursuivre la lutte conte le chômage». Toutefois, elle insiste sur «une bonne gouvernance lors de l’application de mesures de ce programme et sur son contrôle et son élévation».

Le regard des acteurs économiques sur les mutations du marché de l’emploi

Au sein de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), représentée lors de cette conférence-débat par son vice-président, Mehdi Tazi, les derniers chiffres relatifs au chômage, à l’inactivité et à l’évolution du marché de l’emploi ne sont pas simplement scrutés : ils sont analysés à la lumière d’une grille de lecture stratégique, orientée vers l’action. Face à une inquiétude croissante dans l’opinion publique, la CGEM a pris l’initiative de conduire une étude en profondeur, bien avant que le débat ne s’en empare, dans l’objectif de décrypter les dynamiques à l’œuvre. Ce qui frappe d’emblée, c’est l’amplitude de la mutation structurelle que connaît le Maroc. Loin d’être conjoncturelle, la montée du chômage – dont le taux fluctue aujourd’hui entre 12 et 16% selon les sources – s’inscrit dans un basculement de fond : le recul massif de l’emploi agricole, longtemps colonne vertébrale du tissu productif national. Il y a un demi-siècle, l’agriculture représentait près de 80% de l’emploi ; ce chiffre est tombé à 70%, puis à 60%, avant de s’effondrer à 28% au cours des cinq dernières années. Cette chute brutale résulte à la fois d’un processus universel – celui d’une tertiarisation progressive des économies – et d’un facteur conjoncturel aggravant : la sécheresse, qui accélère l’exode des travailleurs ruraux vers des secteurs insuffisamment préparés à les accueillir.

Le cœur du problème est là : cette transition, naturelle dans sa trajectoire, est incomplète dans son exécution. Contrairement à ce qui a été observé dans d’autres économies – y compris comparables à la nôtre par certains aspects structurels –, le Maroc n’a pas réussi à opérer une translation fluide de l’emploi vers l’industrie, les services ou le BTP. Le socle industriel demeure trop mince, les services encore largement polarisés sur les grandes métropoles, et la formation professionnelle inadaptée aux besoins émergents. Cette inertie est d’autant plus préoccupante que les mutations technologiques, à l’instar de l’intelligence artificielle, bousculent les repères. Dans cette course contre le temps, le Maroc ne peut se contenter d’observer : il lui faut agir avec méthode et audace.

Face à ces constats, la CGEM ne se contente pas de diagnostiquer, souligne M. Tazi. Elle propose un plan d’action articulé autour de 27 recommandations, dont cinq jugées prioritaires. Trois d’entre elles se détachent par leur portée transformatrice. «La première concerne la réforme du Code du travail, devenu un frein à l’agilité économique. L’objectif est clair : créer un cadre plus souple, plus équitable et mieux adapté aux réalités actuelles du marché. La seconde porte sur la formation professionnelle, que la CGEM considère comme le talon d’Achille du système. Trop souvent conçue en déconnexion avec les besoins réels des entreprises, elle doit faire l’objet d’une refonte en profondeur, avec une forte implication des acteurs économiques dans la définition des cursus, des référentiels et des compétences. Enfin, la troisième proposition, touche au cadre administratif et réglementaire de l’investissement. La CGEM appelle à un changement de paradigme : passer d’un modèle fondé sur l’autorisation préalable, souvent longue et opaque, à un système fondé sur des cahiers des charges clairs, assortis d’un contrôle a posteriori. Ce renversement de logique permettrait de fluidifier les processus, de restaurer la confiance et de libérer l’initiative», note Mehdi Tazi, vice-président de la CGEM.

Plus encore, la CGEM plaide pour une place accrue du secteur privé dans la co-construction des politiques publiques. Elle revendique une posture de partenaire stratégique de l’État dans la définition des orientations en matière d’emploi et de développement des compétences. Au-delà des réformes transversales, la CGEM milite pour une approche différenciée, ancrée dans les réalités sectorielles. C’est dans cet esprit qu’elle propose la création de statuts adaptés aux secteurs jugés stratégiques, afin de répondre aux besoins spécifiques de chacun et d’accélérer la création d’emplois. La vision portée par la Confédération va plus loin. Elle appelle à la création de centres sectoriels d’excellence, véritables «systèmes solaires» organisés autour de filières aujourd’hui dépourvues de leaders industriels. Ce modèle, la CGEM souhaite le voir reproduit au Maroc, dans les secteurs qui en ont le plus besoin, avec une exigence forte : associer pleinement le secteur privé à la conception, à la gouvernance et au pilotage des politiques publiques de l’emploi. Il ne s’agit plus seulement de consulter les entreprises en aval des décisions ; il s’agit de les intégrer en amont, comme co-concepteurs de solutions durables, capables d’ancrer les réformes dans les réalités économiques et territoriales.

Formation/Compétences : que veulent les entreprises

Pour la présidente de l’AGEF, le tableau des compétences au Maroc n’est pas entièrement sombre : il existe de très belles compétences, reconnues par les professionnels des ressources humaines. «Cependant, une partie des profils disponibles sur le marché ne correspond pas encore aux exigences des grandes entreprises, notamment en matière d’adaptabilité et de potentiel d’évolution. Les entreprises recherchent des profils qui, même s’ils ne sont pas totalement qualifiés au départ, peuvent être accompagnés pour atteindre une employabilité durable», note Nhaili. Cela suppose un investissement dans des compétences solides et évolutives. Pour la présidente de l’AGEF, la formation professionnelle représente un enjeu majeur dans cette perspective, mais elle doit être repensée de manière structurelle afin de proposer une offre mieux alignée avec les besoins réels du marché et des entreprises. «En matière d’éducation, bien que des investissements soient annoncés, des problèmes de qualité persistent, notamment dans la formation professionnelle, où le taux de chômage des jeunes reste élevé, atteignant en moyenne 33 à 36 mois avant de trouver un emploi», ajoute Khrouz. Et d’ajouter «l’enseignement souffre également de l’absence de professeurs qualifiés. Il est nécessaire de réformer en profondeur le système éducatif et de créer un environnement favorable à la création d’emplois par les entreprises plutôt que de compter uniquement sur l’État».

Feuille de route pour l’emploi : le gouvernement lance les comités de pilotage et cible les blocages à l’investissement

Un déficit de confiance des citoyens et des entreprises

La situation économique, tant en termes de croissance que de création d’emplois, n’est pas nouvelle et a déjà été diagnostiquée comme nécessitant un nouveau modèle. «La plus haute autorité de l’État avait même déclaré que le modèle de développement marocain était désormais obsolète et qu’une transition vers un nouveau modèle était impérative. Ce modèle obsolète a conduit à un déficit de confiance des citoyens et des entreprises envers les institutions, exacerbé par la corruption et l’inefficacité du système judiciaire. En parallèle, le cadre réglementaire est souvent obsolète et appliqué de manière rigide par une administration manquant de compétences. Cela crée une paralysie pour l’initiative privée et les investissements», lance sans langue de bois Karim Tazi, PDG du Groupe Richbond. Pour lui, cette perte de confiance est le débat à prioriser par tous. De nombreuses personnes souhaitent voir des changements, mais la législation et les réglementations sont dépassées, et les fonctionnaires appliquent les règles de manière rigide, ce qui décourage la prise de risques, insiste l’intervenant. De plus, selon lui, malgré les efforts du Conseil de la concurrence, l’économie de rente n’est toujours pas démantelée. «Actuellement, l’économie marocaine ne parvient pas à créer suffisamment d’emplois pour sa population, avec un taux de chômage préoccupant et une forte proportion de jeunes inactifs. Ces enjeux nécessitent une attention urgente et des réformes structurelles pour améliorer la situation», résume M. Tazi. «Dans ce contexte de rémanence ou de permanence d’un ancien modèle qui a largement fait son échec, je ne vois pas quand et où serait le miracle. Et la preuve est là, il n’y a pas de miracle. Les chiffres sont restés les mêmes, autant ceux de la croissance que ceux de l’emploi», précise Karim Tazi. Un point de vue partagé par Nezha Lhraichi, économiste : «Nous ne parlons que des institutions formelles, celles régies par des décrets et des lois. Pourtant, il existe des institutions invisibles qui forment un système basé sur la confiance et l’autorité. Dans tous nos travaux, nous négligeons souvent ces institutions invisibles. Il faut une contextualisation de cette nouvelle politique de l’emploi. Je suis convaincu, chiffres à l’appui, que le Maroc s’oriente vers un développement plutôt qu’une simple croissance, et même vers une nouvelle trajectoire de croissance qui a commencé à se dessiner fin 2024».

Pour le PDG du Groupe Richbond, le constat est sans appel : «Le déficit de confiance des citoyens comme des entreprises dans la capacité de l’État à fonctionner efficacement freine la prise de risque et l’investissement. À cela s’ajoutent la persistance et la prolifération de la corruption, les défaillances du système judiciaire, l’échec de l’éducation nationale, un cadre législatif et réglementaire devenu obsolète, une bureaucratie lourde et le manque de compétences dans l’administration. Sans oublier les situations de rente et les dérives anticoncurrentielles qui gangrènent l’économie. Tous les ingrédients de l’ancien modèle de développement, que la plus haute autorité de l’État appelle de ses vœux à remplacer, sont malheureusement toujours réunis et continuent de paralyser notre progression».

Un tableau Excel pour prédire les emplois

Cela étant, il est essentiel de garder à l’esprit quelques chiffres clés : 1,5 million de jeunes inactifs, 400.000 décrocheurs scolaires et 200.000 jeunes diplômés rejoignant le marché du travail chaque année. «Il s’agit d’une vaste réserve de talents qui ne peut pas être absorbée par une croissance insuffisante. C’est pourquoi si nous ne changeons pas de paradigme et n’agissons pas avec audace, nous ne pourrons pas mettre en place de véritables politiques de l’emploi», martèle Jamal Belahrach, expert en capital humain et DG de Deo Conseil International. Pour ce dernier «établir un tableau Excel pour prédire les milliers d’emplois créés est simple, mais il ne rend pas compte de la réalité. Le monde a changé, et il faut envisager une société nouvelle, fondée sur la confiance, plutôt que sur la défiance». Belahrach note aussi que le Code du travail actuel est largement dépassé par la révolution numérique, qui a bouleversé les schémas de pensée et de fonctionnement, y compris les politiques de formation et d’accompagnement.

Pour l’expert, face à cette réalité, l’une des réponses apportées est une feuille de route. Les bonnes intentions sont présentes, mais ce plan a été élaboré par un cabinet qui a travaillé sur des modèles existants et a proposé un schéma classique d’incitations. Cependant, pourquoi continuer à investir des milliards sans aborder les vrais débats ? Pourquoi ne pas repartir d’une feuille blanche ? Cela impliquerait de repenser le contrat social, comme l’a souligné Sa Majesté le Roi en 2009. Cette réflexion est toujours d’actualité. Comment construire ensemble une société propice à l’entrepreneuriat ? «Car, rappelons-le, c’est l’entreprise qui crée de l’emploi. Il est crucial de discuter des conditions nécessaires à cette création d’emplois, et c’est à ce niveau que doit se situer le changement de modèle», conclue Belharach.

20 constats et 20 recommandations pour un nouveau départ

Un diagnostic sans appel

1. Le chômage est une problématique structurelle.

2. Le système éducatif national est lacunaire.

3. L’inadéquation formation-emploi persiste.

4. La transformation de l’économie marocaine est lente et n’est pas accompagnée de politiques publiques proactives et rapides.

5. L’exode rural est structurel et est mal absorbé par les secteurs industriels et tertiaires.

6. Le modèle du statut de l’auto-entrepreneur a montré ses limites.

7. L’intelligence artificielle détruit déjà des emplois, sans anticipation ni plan de reconversion adapté.

8. Le Code du travail actuel est inadapté à la flexibilité et aux enjeux d’un marché moderne.

9. La formation professionnelle est inefficace, peu connectée aux besoins des entreprises.

10. Le modèle économique national est à faible valeur ajoutée, et donc faiblement pourvoyeur d’emplois de qualité.

11. Le plan du gouvernement peut difficilement créer des emplois sans une croissance économique forte.

12. Le manque de suivi, d’évaluation et de transparence menace l’efficacité de la feuille de route actuelle.

13. La migration de la main-d’œuvre qualifiée à l’étranger augmente, accentuant la pression sur le marché local.

14. Déficit de confiance dans la capacité des institutions de l’État à encourager la prise de risque des investisseurs et l’entrepreneuriat.

15. La corruption et la bureaucratie sont des freins majeurs à la croissance et à l’emploi.

16. La concurrence ne fonctionne pas dans plusieurs secteurs : monopoles et oligopoles, rentes, subventions détournées..

17. Le secteur de la justice souffre de lenteurs, d’inefficacité…

18. La crise de l’agriculture est plus ancienne que la sécheresse et la Covid, sa structure même est pauvre (agriculture vivrière).

19. Dans l’industrie, les avantages et facilités ne bénéficient qu’aux privilégiés (automobile, aéronautique…).

20. L’informel est un refuge pour les TPME qui souffrent dans le formel (délais de paiement, financement, gouvernance, impôts…).

Des recommandations fortes pour une nouvelle dynamique

1. Activer le nouveau modèle de développement.

2. Choc de simplification administrative brutal.

3. Accélérer la transformation vers une économie à plus forte valeur ajoutée.

4. Réformer en profondeur le système éducatif public.

5. Lier davantage la formation professionnelle aux besoins des entreprises.

6. Réaliser une refonte ambitieuse du Code du travail.

7. Intégrer le secteur informel par l’incitation à la formalisation, la couverture sociale et l’accompagnement fiscal adapté.

8. Assurer une gouvernance rigoureuse de la feuille de route emploi : coordination, efficacité, transparence.

9. Encourager l’apprentissage en alternance : coupler travail et formation pour une insertion progressive.

10. Répondre aux besoins spécifiques des jeunes NEET via des programmes ciblés, incitatifs et territorialisés.

11. Faire du monde rural une priorité économique.

12. Le modèle administratif du Maroc est à revoir en profondeur.

13. Renforcer la confiance dans les institutions publiques en agissant sur les «institutions invisibles» : transparence, justice sociale, accès équitable à l’information et écoute réelle des besoins citoyens.

14. Un dialogue social réinventé : des schémas à long terme avec une perspective sur le long terme

15. Sauver la TPE (peu capitalistique et créatrice d’emplois en nombre pour des personnes peu qualifiées).

16. Impliquer le privé dans la prise de décisions publiques.

17. L’emploi est un sujet à traiter en dehors des agendas politiques.

18. Investir dans l’import-substitution au lieu de tout miser sur l’export.

19. Encourager les petits métiers pour transformer la pauvreté en levier de développement.

20. L’Intelligence artificielle (IA) pour assurer un suivi personnalisé des chômeurs, des analyses des besoins du marché du travail, créer une cartographie des besoins en compétences, simulation d’impact des politiques d’emplois en amont.

Les grandes lignes de la feuille de route de l’emploi

Deux jours après la conférence-débat organisée par Groupe «Le Matin», une réunion cruciale a eu lieu sous la présidence du Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, pour examiner l’état d’avancement de la mise en œuvre de la Feuille de route pour l’emploi. Lors d’une réunion, l’exécutif a acté la mise en place d’un comité de pilotage et d’un comité ministériel pour l’emploi, tout en identifiant les freins à lever pour transformer les investissements en emplois concrets. Ce dispositif de gouvernance vise à assurer la coordination des interventions des différents départements concernés et suivre l’état d’avancement des initiatives inscrites dans cette feuille. L’occasion pour Younes Sekkouri de rappeler que «pour la première fois dans l’histoire des politiques de l’emploi dans le Royaume, nous sommes dans une logique ou chaque département ministériel productif est responsabilisé», a-t-il poursuivi, ajoutant qu’il a été procédé à «l’identification de nombre de sujets précis qui requièrent des actions concrètes, car la création d’emplois à partir des investissements ne passe pas seulement par des initiatives, mais également par des autorisations et des cahiers de charges». Annoncée par le gouvernement en février dernier, cette Feuille de route s’articule autour de trois grands axes :

1. Soutien à l’investissement : Le gouvernement prévoit le lancement d’un nouveau dispositif destiné à encourager les petites et moyennes entreprises (PME) à créer des emplois, en s’inscrivant dans la continuité de la Charte de l’investissement. Ce programme s’accompagnera d’un soutien aux investissements d’envergure.

2. Restructuration des programmes d’emploi : Un nouveau cadre gouvernemental sera mis en place pour restructurer et élargir les dispositifs d’emploi existants, en intégrant notamment les personnes ne possédant pas de diplôme. Porté par l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (Anapec), ce programme sera enrichi par une approche innovante de formation basée sur la progression professionnelle dans plusieurs secteurs d’activité.

3. Dynamisation de l’emploi en milieu rural : Un troisième axe concerne le développement de l’emploi dans les zones rurales, en ciblant particulièrement les petits agriculteurs et éleveurs. Il vise la mise en place de projets locaux générateurs de revenus, afin de consolider les opportunités existantes et de créer de nouveaux emplois.

Les invités du Groupe Le Matin déclarent

Younes Sekkouri, ministre de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences

«Pour accompagner l’investissement et renforcer sa compétitivité, il est indispensable de disposer de politiques actives de l’emploi, capables de fournir les bonnes ressources humaines, au bon endroit, avec les bonnes qualifications. Après avoir analysé l’action de l’Anapec (Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences) sur les trente dernières années, nous constatons des réussites, mais aussi de nombreux manquements face aux défis actuels. C’est pourquoi nous avons engagé une refonte profonde de ses programmes, en les rendant plus réactifs aux besoins du marché. Pour la première fois, nous ouvrons également ces dispositifs aux non-diplômés, qui représentent plus de la moitié des chômeurs du pays.»

Mehdi Tazi, vice-président général de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM)

«L’emploi est une priorité nationale, gouvernementale et c’est aussi une priorité pour les entreprises. Notre objectif commun est clair : augmenter le taux d’emploi, réduire le chômage et mieux intégrer les jeunes et les femmes, notamment en milieu rural. Le débat a été très constructif et j’espère qu’il contribuera à faire avancer les positions de chacun. Le secteur privé, et la CGEM en particulier, a un rôle central dans cette dynamique, car l’emploi est indissociable des entreprises. Ce sont elles qui créent les emplois. Pour qu’elles puissent pleinement jouer ce rôle, il est essentiel de lever les freins qui entravent l’investissement et la création d’emplois.»

Bouchra Nhaili, présidente de l’Association nationale des gestionnaires et formateurs du personnel (AGEF)

«La formation professionnelle est un sujet important et extrêmement complexe au Maroc. Aujourd’hui, l’offre existe, mais elle reste inégalement adaptée : elle fonctionne bien dans certains secteurs comme l’automobile ou l’aéronautique, mais beaucoup moins dans d’autres. À mon sens, le partenariat public-privé est fondamental. L’État doit faciliter la tâche aux entreprises, en les encourageant et en les soutenant dans l’investissement en formation professionnelle. De leur côté, les entreprises doivent identifier clairement leurs besoins et les partager avec les institutions publiques afin de construire des cursus réellement adaptés aux réalités du terrain. C’est un processus collaboratif, où les deux parties doivent s’engager pleinement pour aboutir à des compétences immédiatement opérationnelles.»

Jamal Belahrach, expert en capital humain et DG de Deo Conseil International

«Face à une situation critique marquée par un taux de chômage élevé et une faible participation au marché du travail, il devient urgent de libérer la croissance en soutenant véritablement les entreprises pour qu’elles créent de la richesse et des emplois. Les entreprises doivent aussi investir dans la formation des jeunes, car le système éducatif ne prépare plus suffisamment à l’employabilité. Le dialogue social doit dépasser les simples revendications salariales pour se concentrer sur l’avenir de l’emploi. Enfin, je milite pour l’instauration d’une TVA sociale afin de réduire le coût du travail et repenser notre modèle économique, comme le recommande le nouveau modèle de développement. Nous devons changer de paradigme pour donner envie à notre jeunesse de rester et de construire l’avenir du Maroc.»

Driss Khrouz, économiste et professeur universitaire

«Tout le monde sait aujourd’hui ce qu’il faut faire pour relancer l’emploi : améliorer d’abord le cadre de l’entreprise, de l’emploi et de la formation. Ensuite, il faut renforcer la performance des entreprises elles-mêmes, car une entreprise précaire ne peut pas créer un emploi durable. Il est aussi essentiel de développer les compétences techniques et d’encadrement, car notre tissu économique en manque cruellement. Enfin, les incitations financières doivent être un simple levier d’accompagnement, et non l’objectif principal. Ce qui compte, c’est de libérer les énergies et de donner aux entreprises les moyens de grandir, car sans des entreprises solides, il n’y aura pas d’emploi solide.»


2025-04-27 16:52:00

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