La paix est beaucoup plus que l’absence de guerre
La période coloniale en Afrique a laissé de nombreuses séquelles devenues sources de conflits. La plupart des frontières avaient été tracées artificiellement et arbitrairement, pour répondre à des appétits coloniaux. La «Conférence de Berlin» (1884-1885) illustre bien la profondeur destructive de l’œuvre coloniale dite civilisationnelle. La notion même de frontière en Afrique n’avait pas le même sens qu’en Europe où elle signifiait «séparation», «limites» ou «partage». En Afrique, ce mot désignait plutôt un «espace de rencontre et d’échange». Dans le Grand Sahara s’étendant de l’Atlantique à la Mer Rouge sur presque 5 000 km, avec une superficie de plus de 8,6 millions de km², le mode de vie nomade des habitants de cet espace aride est fondé sur une mobilité permanente, un équilibre subtil avec la nature, une vie austère et une valorisation de l’immatériel. Au désert, on nait poète sans le savoir. Antoine de Saint-Exupéry l’a bien compris dans son œuvre célèbre «Le Petit Prince». On apprend à s’orienter avec le soleil et les étoiles dès l’enfance.
1955 : le Maroc accède partiellement à son indépendance. Partiellement, car une partie importante de son territoire au sud était toujours occupée par l’Espagne. C’est le cas du Sahara Occidental, désignation avant tout géographique d’une partie du Grand Sahara Africain qui s’étend sur une dizaine de pays africains. C’est un espace qui, de fait, à travers la longue histoire, n’a pas cessé d’être un facteur de rapprochement et un «trait d’union» entre l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du nord.
L’Armée de libération nationale du sud (ALNS) du Maroc n’avait pas déposé les armes. Mohamed Bensaïd Aït Idder, qui marqua profondément la vie politique marocaine, en fut l’un des principaux dirigeants. France et Espagne organisèrent l’Opération Ecouvillon contre l’ALNS en mobilisant forces aériennes et terrestres. La géographie du Sahara (espace découvert, absence de montagnes et de forêts…) n’était pas favorable pour que l’ALNS puisse s’organiser et mener des opérations de guérillas. Elle fut écrasée. Mais la résistance ne s’est pas éteinte. Tarfaya et Sidi Ifni seront restitués à la mère-patrie. En 1975, soit 20 ans après l’indépendance territorialement partielle, le Maroc organisa la «Marche Verte» et le Sahara Occidental fut intégré au Maroc. Entretemps, des jeunes étudiants marocains originaires du Sahara avaient exprimé leur disposition à reprendre la lutte anticoloniale. Des erreurs furent commises de part et d’autre. Ces erreurs vont être exploitées dans un contexte mondial particulier, celui de la «guerre froide». C’est ce qui va donner naissance à un «conflit artificiel» dont la gestion a pendant longtemps été limitée au maintien d’un équilibre. Mais, au cours des 25 dernières années, le Maroc va mettre en œuvre une autre approche dynamique, réaliste et constructive. Celle d’une diplomatie nourrie de raison, de sagesse et de patience. En 2007, la proposition de l’autonomie régionale avancée dans le cadre de l’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale a été l’une des principales déclinaisons de cette approche. Le retour du Royaume au sein de l’Union Africaine a été un accélérateur. Le développement économique des régions du Sahara Occidental a été une manifestation concrète de ce processus où la volonté constructive a été clairement illustrée sur le terrain. Au niveau international, plus des deux-tiers des Etats de l’ONU ont reconnu et soutenu l’initiative marocaine. Ainsi, le 31 octobre 2025, toutes les conditions favorables ont été réunies pour que la Résolution 2797 soit adoptée et pour pouvoir enfin entamer l’écriture d’une nouvelle page. C’est effectivement un tournant historique. Sans victoire ni défaite. Au Maroc, la réconciliation nationale permet à tous les marocains, sans aucune exception, de restaurer solidement leur fraternité et d’œuvrer ensemble pour un processus de développement qui n’exclut aucune région, aucun territoire, avec un approfondissement social, culturel et politique. Au niveau de l’Afrique du nord, l’union du Maghreb demeure à l’ordre du jour. Plus qu’un rêve, cette union est devenue une nécessité. Au niveau international, la résolution définitive de ce conflit artificiel devrait permettre à l’ONU de se concentrer sur les conflits graves et dévastateurs et sur les vrais défis mondiaux du 21ème siècle. Beaucoup plus qu’une absence de guerre, la paix se nourrit de justice.
2025-11-10 10:19:16
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