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Santé «Temps plein aménagé» : une mesure obsolète

Santé «Temps plein aménagé» : une mesure obsolète

Santé «Temps plein aménagé» : une mesure obsolète

Voici une mesure datant de 30 ans qui, au lieu d’être une solution, est devenue une source de problèmes. En fait, le Temps plein aménagé» (TPA) a fait son temps. La réforme actuellement en cours du système de santé devrait définitivement trancher. Cette réforme exige des règles de bonne gouvernance dont le respect de la loi et la transparence. Il y va de la santé, voire de la vie des citoyens. 

Un bref retour, trente ans en arrière, est nécessaire. Le 21 août 1996, a été publié un dahir (loi n° 10-94 relative à l’exercice de la médecine) dans lequel l’article 56 a accordé une dérogation, au  personnel relevant du corps médical, pour «exercer de manière libérale dans les cliniques dénommées «cliniques universitaires» créées à cet effet par l’administration, les centres hospitaliers universitaires ou les organismes à but non lucratif autorisés à créer et gérer des établissements de soins en vertu des textes législatifs les instituant. L’administration fixe, après avis de l’ordre national des médecins, les conditions d’organisation et de fonctionnement desdites cliniques, ainsi que les modalités de leur contrôle (…)». L’article 57 du même dahir avait prévu une «période transitoire maximum de cinq années (…)» pour mettre en place lesdites cliniques universitaires. Celles-ci n’ont pas vu le jour. La «période transitoire» a pris fin en 2001. Mais le TPA est resté en vigueur et a donné lieu à des pratiques abusives. «La coutume a remplacé la loi».

Sur le plan strictement juridique, les dispositions citées, contenues dans les articles 56 et 57, sont aujourd’hui caduques de par le texte de loi qui les prévoit. En fait, elles ne concernent même pas les «cliniques privées», puisque les «cliniques universitaires» devaient être une émanation de l’administration publique, c’est-à-dire l’Etat. De même, ces dispositions dérogatoires peuvent être perçues comme une parenthèse dans le temps qui aurait dû être fermée depuis longtemps. En effet, les dispositions légales applicables, actuellement en vigueur, depuis 1958, sont celles de l’article 15 du Statut de la Fonction Publique, qui stipule qu’«il est interdit à tout fonctionnaire d’exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. Il ne pourra être dérogé à cette interdiction qu’exceptionnellement et pour chaque cas par décision du ministre duquel relève l’agent intéressé après approbation du Président du conseil. Cette décision, prise à titre précaire, est toujours révocable dans l’intérêt du service». 

En 2012, le ministre de la Santé, Houcine El Ouardi, a essayé initialement de mettre fin à cette situation, en appliquant la loi. Mais quoi de plus difficile que de changer les «mauvaises habitudes», une fois bien ancrées dans une réalité pratique qui a donné naissance à des intérêts juteux.

Nouveau coup d’œil dans le «rétroviseur». Pendant les années 1990, où le contexte national est caractérisé par une application à la lettre de la doxa néolibérale, les syndicats du ministère de la santé montaient en puissance et devenaient plus combattifs. Quoi de mieux pour semer la zizanie et affaiblir le mouvement syndical que d’offrir machiavéliquement une «solution» permettant aux médecins d’exercer dans le privé, d’améliorer leurs sources de revenus de manière individuelle  et de les pousser à tourner le dos aux actions syndicales qui sont de nature collective et solidaire. Le «sucre dilue facilement les principes». En fait, cette «solution», de nature politique, crée une situation de précarité juridique. Au lieu d’inciter tout simplement les médecins du public à opter librement et pleinement pour le privé, ladite solution a contribué au renforcement d’une tendance opportuniste aussi bien dans le corps médical que pour les cliniques privées qui profitent aussi bien de la crise du système public de santé que des ressources publiques mises «gratuitement» à leur disposition. La carence, voire l’absence de contrôle, va aggraver la situation. Les services publics de santé vont être désertés par les médecins, avec une extension au corps paramédical. Les nouveaux médecins vont faire des pieds et des mains pour être affectés de préférence dans les grandes villes où sont installées des cliniques privées. Celles-ci vont même émerger comme des champignons devant les CHU, donnant ainsi l’image de «prédateurs/charognards» à l’affût des «clients» souvent «réorientés» par des circuits informels constitués au sein même desdits CHU. Dans les cliniques privées, les patients sont «écorchés vifs», contraints de payer au noir une partie, voire la totalité du prix des prestations (…). En même temps, l’impact est dévastateur au sein des CHU où les étudiants en médecine, désarmés, se retrouvent avec un faible encadrement et des carences en formation.

En réaction à l’interdiction du ministre de la Santé, Houcine El Ouardi, d’exercer dans les cliniques privées, des dizaines de médecins ont réagi en déposant leurs démissions pour rejoindre le secteur privé ou pour partir à l’étranger, là où les salaires et les conditions de travail sont bien meilleures. «Le patriotisme, c’est pour une autre fois». Si, au début, Houcine El Ouardi a résisté, en 2015 il va faire marche arrière et lâcher du lest en autorisant les médecins du secteur public à exercer dans le secteur privé, cette fois-ci sous la pression du Syndicat indépendant des médecins du secteur public (SIMSP) qui, au lieu de revendiquer une augmentation des salaires et une amélioration des conditions de travail, a appuyé une mesure opportuniste. En effet, l’opportunisme l’a emporté à tel point, que certains médecins attachés au TPA et les cliniques privées se cachent derrière le «partenariat public privé» (PPP), démontrant ainsi qu’ils ont bien digéré et intégré, corps et âme, la logique lucrative. Le PPP est ainsi compris  comme «un orteil dans le public et le reste des deux pieds dans le privé». Or, cette décision prise sous la pression du SIMSP n’est pas conforme aux dispositions légales en vigueur, même si elle a été limitée à deux après-midi par semaine et conditionnée : «à condition que ce travail extérieur ne bloque pas la continuité des services (publics) de santé et de formation». Qui va exercer le contrôle quant au respect du temps consacré respectivement dans le service public et dans le secteur privé ? Ce sont les mêmes personnes concernées directement ou indirectement par le TPA. D’où le fiasco. 

En fait, cette situation scandaleuse ne concerne pas uniquement le secteur public de la santé. Elle prévaut aussi dans le secteur public de l’éducation. Alors que l’Ancien ministre de l’Education, du préscolaire et du sport, Chakib Benmoussa, avait bloqué et entrepris de limiter les autorisations des enseignants à exercer leur métier dans les établissements privés, le successeur actuel, Saâd Berrada, a rétabli le statu quo en lâchant du lest au détriment de l’avenir d’un secteur stratégique en matière de développement humain et en faveur d’intérêts bien particuliers.     

Dans les deux secteurs, santé et éducation, le secteur privé puise dans les ressources humaines publiques qualifiées dont la formation a été financée principalement grâce à l’impôt que paie le citoyen-contribuable. Incapable de marcher autrement qu’avec des béquilles sous forme d’aides publiques directes (subventions), ou indirectes (exonérations fiscales/dépenses fiscales), le secteur privé continue ainsi à trainer cette maladie chronique qui porte un nom et un prénom : l’économie de rente. 

Temps plein aménagé : une transition qui dure

Initialement, le TPA peut être perçu, à la limite, comme une mesure transitoire imposée par une réalité nationale caractérisée par la rareté des ressources humaines qualifiées dans le domaine médical. Mais, de transitoire, cette mesure a commencé à être perçue comme un acquis. 
Aujourd’hui, compte tenu de sa caducité juridique, son maintien est une atteinte flagrante à l’Etat de droit.  Le TPA a eu un effet dévastateur sur les services publics de santé, en particulier les CHU. Dans certains pays d’Europe, il est inversement pratiqué au profit du secteur public de santé. En effet, les médecins exerçant leur métier dans un cadre libéral, ont l’obligation d’exercer une partie de leur temps dans des services publics de santé. C’est comme pour leur rappeler l’un des principes fondamentaux de la médecine : le droit à la santé est avant tout un droit humain universel.
Par ailleurs, le TPA a aussi été et est néfaste même pour le secteur privé. Les médecins ayant fait le choix d’exercer pleinement dans un cadre libéral sont appelés à engager de lourds investissements souvent en recourant à des prêts bancaires. Le TPA est une menace pour ces médecins exerçant une profession libérale, dans la mesure où leurs confrères du public disposent d’un «seuil de sécurité» et ne sont pas exposés à des risques en cas de baisse d’activités, de maladies (…). Les cliniques privées ont tendance à préférer les médecins exerçant dans le public qui acceptent des rémunérations inférieures à celles exigées par leurs confrères du privé qui ont des charges et des impôts à payer.  

2025-10-29 16:09:26

www.challenge.ma

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