Retour à l’Investment Grade : ce que le Maroc gagne vraiment (BMCE Capital)

Ce relèvement s’appuie sur une lecture positive des fondamentaux économiques du Maroc. Malgré les chocs exogènes (sécheresses récurrentes, crise post-COVID, tensions géopolitiques mondiales et inflation) le pays a maintenu une trajectoire de croissance soutenue. S&P souligne en particulier la consolidation budgétaire progressive, avec un déficit public ramené de près de 7% du PIB en 2020 à une cible de 3% d’ici 2026 ; une dette du Trésor maîtrisée, en voie de repasser sous le seuil des 60% du PIB à l’horizon 2028 ; la solidité de la politique monétaire de Bank Al-Maghrib, avec un cadre crédible en vue du ciblage de l’inflation et la poursuite d’une stratégie industrielle et énergétique à forte valeur ajoutée.

Dans un contexte où nombre d’économies émergentes (Turquie, Égypte, Afrique du Sud) restent classées hors Investment Grade, le Maroc fait figure d’exception. Il devient d’ailleurs le seul émetteur africain d’Eurobonds à bénéficier de ce statut auprès de S&P.

Un impact direct sur le marché obligataire

La note Investment Grade ouvre une nouvelle dynamique sur le marché des taux. Sur le plan international, elle permet au Royaume de bénéficier d’une prime de rareté, renforçant l’attractivité de ses obligations souveraines. L’impact en cascade est immédiat : les grandes entreprises nationales comme OCP, qui émettent sur les marchés internationaux, pourraient voir leurs coûts de financement diminuer grâce à l’effet d’entraînement (halo) de la note souveraine.

Sur le marché domestique, les analystes anticipent un aplatissement progressif de la courbe des taux. Le recul de la perception du risque incite les investisseurs institutionnels locaux à privilégier les maturités longues, ce qui contribuerait à alléger les charges d’intérêt à moyen et long terme pour le Trésor.

Repositionnement haussier sur le marché actions

L’effet sur la bourse de casablanca ne devrait pas se faire attendre. Selon BKGR, le regain de crédibilité macro-financière du Maroc pourrait réduire la prime de risque actions, incitant les investisseurs étrangers à revaloriser leurs positions sur les actifs cotés. En d’autres termes, le Maroc devient plus « investissable ».

L’expérience d’autres pays ayant regagné leur statut Investment Grade est éclairante : en Indonésie, par exemple, l’indice Jakarta Composite avait bondi de 12% en trois mois après la révision de sa note en 2011. Pour la Place casablancaise, cela pourrait se traduire par un « re-rating » des valorisations, notamment via une hausse des multiples comme le Price-Earnings Ratio.

Les effets sectoriels de ces dynamiques pourraient se révéler particulièrement significatifs. Selon BKGR, plusieurs secteurs devraient bénéficier d’impacts positifs immédiats. Le secteur bancaire profiterait d’un accès facilité à des lignes de financement bonifiées, contribuant à une amélioration notable des ratios de solvabilité. Le BTP et les infrastructures seraient directement stimulés par les grands chantiers liés à la CAN 2025 et à la Coupe du monde 2030. Enfin, les secteurs de l’automobile et de l’énergie tireraient parti de la vigueur de la demande extérieure ainsi que de projets structurants, tels que le gazoduc Nigeria-Maroc.

Si le retour à l’Investment Grade constitue une avancée significative, sa pérennité n’est pas acquise. Elle dépendra de la poursuite des réformes structurelles, de la stabilité macroéconomique, et de l’approfondissement du marché financier local. Le Maroc devra notamment renforcer l’efficacité de ses marchés de capitaux pour mobiliser l’épargne nationale, dynamiser le marché actions et assurer une meilleure fluidité du financement des projets.