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Maroc à deux vitesses : ce que recommande Driss Khrouz pour réduire des inégalités désormais structurelles

Maroc à deux vitesses : ce que recommande Driss Khrouz pour réduire des inégalités désormais structurelles

Maroc à deux vitesses : ce que recommande Driss Khrouz pour réduire des inégalités désormais structurelles

Le diagnostic de départ est net : «Si nous ne faisons pas attention à corriger les marges, elles finissent par altérer progressivement les dynamiques de l’ensemble», souligne Driss Khrouz. Ces marges, ce sont des jeunesses et des femmes encore trop peu intégrées au marché du travail, des espaces “pré-désertiques” qui se vident au profit des métropoles, des poches d’exclusion qui sapent la confiance. Le pays progresse, martèle-t-il, mais ce progrès accroît l’intolérance aux angles morts : «Plus la dynamique est vertueuse, plus ce qui reste à la traîne devient inacceptable».

De la macro à la «méso» : entreprises, chaînes de valeur et territoires

M. Khrouz appelle à changer d’échelle d’action. Plutôt que d’opposer micro et macro, il plaide pour une méso-économie qui relie entreprises, filières et territoires : structuration du tissu de PME et d’ETI, sous-traitance organisée avec les grands donneurs d’ordres, intégrations régionales autour de pôles sectoriels (industrie verte, dessalement, batteries, numérique). «Il n’y a de richesse que par l’entreprise. L’État amorce, mais le privé doit suivre», insiste-t-il. Or la «politique des champions» n’a pas suffisamment irrigué le reste du tissu productif : les grands groupes se sont renforcés, mais l’écosystème intermédiaire demeure trop mince pour créer des effets d’entraînement durables.

Cette inflexion passe par des incitations à la délocalisation partielle d’activités vers l’intérieur du pays (back-offices numériques, ateliers, services partagés) et par un maillage territorial qui rapproche l’investissement des bassins de vie. Les infrastructures existent, il faut désormais l’animation économique : foncier maîtrisé, marchés publics mieux ouverts aux PME, financement «patient», et contrats de sous-traitance obligeant les grands acteurs à tirer un réseau de fournisseurs locaux – plutôt que d’aspirer vers l’informel. À ses yeux, les régions doivent devenir de vraies entités économiques et politiques, dotées de marges d’action et de comptes à rendre, avec une mutualisation nationale assumée pour corriger les écarts.

Redistribution, prix et classe moyenne : au-delà des aides, produire des revenus

L’économiste salue les aides directes et filets sociaux (RSU) comme un choix courageux – «nécessaires pour éviter la chute des plus vulnérables» – mais refuse l’illusion d’optique : «Le mécanisme de distribution directe n’est pas suffisant à lui seul.» Il doit être complété par une politique offensive d’emplois et de revenus du travail, seule à même de reconstituer l’ascenseur social pour le «gros ventre» de la société. Car si l’inflation «statistique» a reflué (de 6% à 1,6% selon les chiffres officiels, rappelle-t-il), l’inflation vécue demeure : «Regardons le prix de la viande, de la tomate ou de l’oignon : sont-ils revenus à leur niveau d’avant 2020 ? Pas du tout.» D’où un sentiment d’appauvrissement relatif et une classe moyenne qui s’accroche pour ne pas basculer.

Sur l’emploi des jeunes, M. Khrouz constate l’attraction persistante de la fonction publique – signe d’un privé trop étroit et trop peu structuré. La réponse passe par la montée en gamme des compétences utiles aux marchés visés (Afrique, énergies renouvelables, technologies, industrie 4.0), des passerelles école-entreprise, de l’apprentissage, et une révision des indicateurs pour coller au vécu (panier de consommation, mesure de l’inflation). «On a élargi la scolarisation, c’est vrai, mais si l’économie n’absorbe pas des diplômés formés aux bons métiers, la pauvreté “multidimensionnelle” baisse sur le papier et la précarité augmente dans la vie.»

Gouvernance et culture : du «mode pompier» à la stabilité, exemplarité et cap pluriannuel

Sur la conduite des politiques, le message est sans détour : «Le modèle atteint ses limites, il faut passer d’une logique de pompier à une logique de stabilité et de correction.» M. Khrouz plaide pour un cap pluriannuel sanctuarisé au-dessus des alternances, où budget, fiscalité, salaires et prix s’articulent avec emploi, égalité des chances et cohésion territoriale. Il appelle aussi à une décentralisation effective – des régions autonomes, responsables, capables d’attirer et de retenir l’activité – et à des incitations conditionnées (“donnant-donnant”) pour que l’appui public se traduise en retombées locales mesurables (emplois, sous-traitance, recettes).

Reste la dimension éthique et culturelle, décisive pour l’adhésion : lutte contre les passe-droits et la corruption «à la marge» qui entachent l’ensemble, modération des signaux d’ostentation, exemplarité publique et privée. «La richesse ostentatoire est insultante, la richesse d’un pays, c’est sa jeunesse et ses femmes», tranche-t-il. À ses yeux, la cohésion sociale n’est pas électoralement «payante» à court terme, mais elle conditionne la stabilité et la prospérité à long terme – d’où l’importance de s’extraire des cycles conjoncturels et de «tenir le cap».

En creux, la feuille de route est cohérente : consolider les amortisseurs sociaux et produire des richesses mieux réparties – PME outillées, chaînes de valeur territorialisées, compétences massifiées, régions responsabilisées. Corriger les marges pour libérer la dynamique centrale. C’est, selon Driss Khrouz, la manière la plus sûre d’empêcher que le Maroc à deux vitesses ne se mue en fracture – et de donner du contenu concret au projet d’équité et de progrès partagé rappelé par le Discours Royal du 29 juillet.


2025-09-28 17:00:00

lematin.ma

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