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Youssef Guerraoui Filali : La croissance économique ne se traduit toujours pas en justice sociale

Youssef Guerraoui Filali : La croissance économique ne se traduit toujours pas en justice sociale

Youssef Guerraoui Filali : La croissance économique ne se traduit toujours pas en justice sociale

Sur le premier trimestre 2025, le Maroc a enregistré une croissance de 4,8%, principalement portée par une reprise de la demande intérieure, estimée à +10%. Les projections pour le second trimestre prévoient un taux de 4,6%, tandis que la loi de Finances 2026 anticipe un maintien autour de 4,5%. Pour le Chef du gouvernement, ces chiffres marquent une dynamique à saluer. Pourtant, Youssef Guerraoui Filali nuance cet optimisme : un tel rythme de croissance ne permet pas au Maroc d’entrer dans le club des pays émergents. Il rappelle que le nouveau modèle de développement (NMD), aujourd’hui largement ignoré dans le débat public, fixait un objectif de 6 à 7% de croissance, conditionné par des réformes structurelles ambitieuses. Ce cap semble aujourd’hui relégué au second plan.

Un modèle de croissance en question

Pour le président du Centre marocain pour la gouvernance et le management (CMGM), le Maroc continue de miser principalement sur de grands chantiers d’infrastructure : ligne à grande vitesse, extensions d’aéroports, projets liés au Mondial 2030… qui, bien qu’importants, ne suffisent pas à eux seuls. «On ne remet pas en question leur utilité», précise-t-il, «mais ils doivent s’inscrire dans une vision plus large, qui place l’investissement productif et le capital humain au centre». Il s’étonne que l’on parle si peu de la rentabilité réelle de la dépense publique. Selon l’indicateur ICOR, le Maroc est l’un des pays où chaque dirham investi produit le moins de croissance. Un signal d’alerte, selon M. Guerraoui Filali. La Charte de l’investissement, censée faire du secteur privé le moteur de la relance, tarde à produire ses effets. Et pendant ce temps, les petites et moyennes entreprises, qui constituent l’épine dorsale de l’économie nationale, continuent de tourner à bas régime. «Ce sont elles qui ont le plus de potentiel pour créer de la richesse et de l’emploi, mais ce sont aussi celles qui rencontrent le plus d’obstacles», souligne-t-il, évoquant l’accès difficile au financement, un cadre réglementaire peu lisible et une absence de stratégie ciblée pour les soutenir durablement.

Inégalités régionales et pauvreté persistante

En plus des agrégats macroéconomiques, les inégalités territoriales restent, selon Youssef Guerraoui, l’un des points de fragilité du modèle marocain. «Certaines régions avancent, d’autres sont à l’arrêt», constate-t-il, évoquant un déséquilibre croissant entre les grands pôles économiques comme Casablanca, Rabat ou Tanger, et des territoires à l’écart des dynamiques nationales, comme Khénifra ou Midelt. Dans ces zones, souligne-t-il, le chômage reste élevé, les activités économiques peu diversifiées et les perspectives de développement limitées. Pour le président du Centre marocain pour la gouvernance et le management, cette fracture territoriale n’est pas seulement sociale, elle est aussi structurelle. Elle affaiblit la cohésion nationale et freine la croissance globale. «On ne peut pas bâtir une économie résiliente en laissant une partie du pays sur le bas-côté», insiste-t-il. Il appelle à une «véritable justice territoriale», qui passe par une planification décentralisée, des politiques publiques adaptées aux spécificités locales, et une redistribution plus équitable de l’investissement public.

Pression fiscale et souveraineté économique

Autre sujet de préoccupation soulevé par Youssef Guerraoui Filali : la pression fiscale. Avec un taux avoisinant les 23 % du PIB, le Maroc figure parmi les pays les plus imposés de la région, un niveau qui, selon lui, peut rapidement devenir un frein à l’investissement. «On demande beaucoup aux entreprises, sans leur offrir les conditions nécessaires pour croître», affirme-t-il. Une fiscalité lourde, combinée à un rendement économique jugé faible, ne fait que compliquer la tâche des acteurs économiques, en particulier les petites structures.

M. Guerraoui Filali appelle à une rationalisation des dépenses ordinaires de l’État et à une meilleure orientation des ressources vers des investissements réellement productifs. «Il faut sortir de la logique de la dépense pour la dépense, et cibler ce qui crée de la valeur», estime-t-il. Il alerte également sur le déficit chronique de la balance commerciale, qui frôle les 20% du PIB. Pour lui, c’est le symptôme d’un appareil productif insuffisamment industrialisé, trop dépendant des importations, et peu orienté vers l’export. «Tant qu’on ne change pas cette équation, on restera vulnérables, même avec des équilibres budgétaires maîtrisés», prévient-il.

Par ailleurs, le secteur informel, estimé à près de 30% du PIB, représente à la fois un défi et une opportunité. Le président du Centre marocain pour la gouvernance et le management propose une intégration graduelle et incitative, loin de la répression fiscale, afin de favoriser la transition vers le formel. Il insiste également sur la valorisation du capital humain : une croissance durable passe par la formation, la qualification et l’émergence d’une nouvelle génération d’entrepreneurs et de travailleurs qualifiés. Cela suppose de réorienter les politiques publiques vers les secteurs à forte valeur ajoutée, comme le digital, le tourisme, les services et l’industrie innovante.

Une fin de mandat sans rupture, mais avec des attentes

À l’approche des élections législatives de 2026, Youssef Guerraoui Filali se montre peu optimiste quant à la capacité du gouvernement actuel à initier de grandes réformes dans la dernière ligne droite de son mandat. «2025 sera sans doute une année de gestion, pas de transformation», estime-t-il, anticipant une forme de prudence politique dictée par l’agenda électoral. Des dossiers structurants comme la réforme des retraites, l’emploi des jeunes ou encore l’intégration du secteur informel pourraient, selon lui, être repoussés au mandat suivant. Il appelle pourtant à rompre avec cette logique d’attentisme. «On ne peut pas mettre l’économie en pause sous prétexte qu’une échéance électorale approche», insiste-t-il. Pour lui, le pays a besoin d’un sursaut politique, porté par des partis capables de formuler des projets solides, étayés par des diagnostics scientifiques rigoureux. La reconstruction de la confiance citoyenne, dit-il, ne se fera pas à coups de promesses vagues, mais par une reddition des comptes claire, honnête et mesurable. «Ce que les Marocains attendent aujourd’hui, ce sont des résultats concrets, visibles et partagés.»


2025-09-26 15:30:00

lematin.ma

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