Économie informelle : la friperie, un commerce qui échappe aux radars du fisc

«Loin d’être un simple dossier fiscal, l’intégration du secteur des vêtements de seconde main dans l’économie formelle pose la question plus large du poids de l’informel dans le tissu économique national», a déclaré la ministre de l’Économie et des finances, Nadia Fettah, récemment interpellée sur l’encadrement et la régulation du secteur de la friperie ainsi que sur son intégration dans le circuit formel.

Répondant à une question écrite du groupe parlementaire du Mouvement populaire à la Chambre des représentants, la responsable gouvernementale a précisé que cette problématique ne saurait être réduite à une perte de recettes pour le Trésor public. Selon elle, il s’agit avant tout d’un défi structurel lié à l’ensemble de l’économie informelle, enraciné dans les fondements mêmes du système économique et social du pays. Une économie informelle aux dimensions colossales En effet, le secteur informel conserve une place prépondérante au Maroc. D’après la dernière étude du Haut-Commissariat au Plan, publiée en mai 2025 et citée par la ministre, le Royaume compte près de 2,03 millions d’unités de production informelles, générant un chiffre d’affaires global estimé à 527 milliards de dirhams. Des données qui traduisent l’ampleur du phénomène. Cependant, une analyse fine montre que 85,5% de ces unités correspondent à de très petites structures individuelles, opérant dans des secteurs à faible valeur ajoutée et souvent dépourvues de locaux fixes. Avec une marge bénéficiaire moyenne de 15%, leurs revenus demeurent généralement inférieurs au seuil d’exonération de l’impôt sur le revenu, fixé à 40.000 dirhams. Leur impact fiscal reste donc quasi nul.

Deux dispositifs incitatifs : CPU et auto-entrepreneur

Face à ce constat, Nadia Fettah a rappelé que la contribution de ces unités aux recettes de l’État demeurait très limitée. Néanmoins, le gouvernement a instauré deux régimes simplifiés pour encadrer cette population : la contribution professionnelle unifiée (CPU) et le statut d’auto-entrepreneur. Le premier dispositif, introduit par la loi de Finances 2021 conformément aux recommandations des assises nationales de la fiscalité et du commerce de 2019, permet aux personnes exerçant des activités à revenus modestes de s’acquitter d’un impôt unique couvrant à la fois les taxes professionnelles (impôt sur le revenu, taxe professionnelle et taxe communale) et une cotisation complémentaire destinée à l’assurance maladie obligatoire. Ce mécanisme a permis d’élargir immédiatement et directement la couverture médicale à une large frange de professionnels.

Pour en faciliter l’adhésion, l’administration fiscale a publié des circulaires explicatives et multiplié les actions de communication à travers des rencontres et ateliers dans plusieurs régions du pays. Une convention a également été conclue avec la Caisse nationale de sécurité sociale afin de préciser les modalités d’affiliation et de paiement des cotisations. La loi de Finances 2022 a, par ailleurs, apporté des ajustements aux paramètres du dispositif pour mieux l’adapter aux réalités des professions concernées.

Le statut d’auto-entrepreneur, moteur de l’auto-emploi

Quant au régime de l’auto-entrepreneur, la ministre a souligné son rôle dans la création d’un cadre juridique simple et attractif, permettant la constitution de micro-entreprises bénéficiant d’avantages fiscaux et sociaux, notamment la couverture médicale. Ce régime prévoit plusieurs incitations : exonération de la TVA, taux réduits d’imposition sur le chiffre d’affaires (0,5% pour les activités commerciales, industrielles et artisanales, et 1% pour les services), ainsi qu’une réduction des pénalités de retard de déclaration, désormais fixées à 100 dirhams au lieu de 500. Par ailleurs, les auto-entrepreneurs ne sont pas soumis aux obligations comptables strictes du Code général des impôts, ce qui constitue une garantie supplémentaire pour cette catégorie.

Vers une simplification et une digitalisation accrues Au-delà de ces deux régimes, l’administration fiscale poursuit ses efforts de simplification et de digitalisation, comme l’a rappelé la ministre. Les contribuables peuvent désormais déclarer et régler leurs impôts en ligne, consulter leur situation fiscale, télécharger leurs attestations, déposer et suivre leurs réclamations. Un centre d’assistance téléphonique a également été mis en place pour répondre aux interrogations des usagers.