Inclusion financière/Paiements électroniques: Le Maroc change d’échelle
Le Maroc franchit une nouvelle étape dans la modernisation de ses moyens de paiement. Le 18 septembre à Casablanca, le Centre monétique interbancaire (CMI) a réuni banques, établissements de paiement, fintechs et autorités de régulation pour dresser un bilan du marché et réfléchir à ses perspectives. Le marché avance mais doit encore convaincre ses usagers.
L’ouverture de ce marché ne se limite pas à l’arrivée de nouveaux acteurs: elle marque un repositionnement stratégique. En tant que plateforme technique neutre et interopérable, le CMI joue un rôle de chef d’orchestre (Ph. F Alnassar)
À peine 12% des cartes servent réellement à régler des biens ou des services
Les chiffres présentés par Rachid Salhi, directeur général du CMI, mettent en lumière un paradoxe. Le Royaume compte 23,4 millions de cartes bancaires qui génèrent chaque mois entre 8,5 et 9 milliards de dirhams de paiements, soit plus de 21 millions de transactions. Une majorité de ces opérations s’effectue via des cartes locales (67%), signe que les Marocains s’approprient progressivement les outils digitaux. Mais derrière ces volumes encourageants, la réalité reste contrastée: seules 2,8 à 3 millions de cartes sont utilisées activement et chaque carte n’est employée qu’une dizaine de fois par an. Plus révélateur encore, 80% des opérations consistent à retirer du liquide. Autrement dit, à peine 12% des cartes servent réellement à régler des biens ou des services.
L’ouverture à l’acquisition
Face à ce constat, l’ouverture du marché de l’acquisition constitue un tournant. Jusqu’ici réservée à quelques acteurs, cette activité (qui consiste à fournir des terminaux et des solutions d’encaissement aux commerçants) est désormais accessible à de nouveaux entrants. Sept opérateurs ont déjà franchi le pas: Al Filahi Cash,
AttijariPayment, Damane Cash, Lanacash, M2T, Saham Paiements et CDM Pay. En moins de six mois, ils sont parvenus à lancer leurs services, à déployer leurs terminaux et à accompagner près de 2.000 commerçants dès la phase pilote, avec une progression constante des volumes. Quatre autres prestataires devraient prochainement les rejoindre, preuve d’une dynamique concurrentielle inédite.
Pour le CMI, cette ouverture ne se limite pas à l’arrivée de nouveaux acteurs: elle marque un repositionnement stratégique. En tant que plateforme technique neutre et interopérable, le CMI joue un rôle de chef d’orchestre: il garantit la continuité des services pour les commerçants déjà équipés, facilite l’intégration des nouveaux entrants et assure que les standards de sécurité et de qualité soient respectés. Sa mission est de maintenir un équilibre délicat: encourager la concurrence sans compromettre l’interopérabilité, élargir l’accès sans fragiliser la confiance, et accompagner l’innovation tout en veillant à la stabilité du système.
Cette transformation s’appuie sur un socle technologique que le CMI développe et supervise depuis des années. La plateforme Fatorati, dédiée au paiement de factures et d’impôts, a déjà enregistré 220 millions d’opérations pour 193 milliards de dirhams. Switch Al Maghrib, autre pilier stratégique, assure le routage et la compensation entre cartes, wallets, QR codes et paiements mobiles.
Un défi culturel majeur
Malgré ces avancées, le cash reste roi. En dépit d’investissements pour sécuriser et moderniser les systèmes, les habitudes demeurent profondément ancrées. L’argent liquide continue d’inspirer davantage confiance que la dématérialisation, et la crainte des frais bancaires ou de la fraude entretient la réticence des consommateurs comme des commerçants. Pourtant, certains signaux montrent que le changement est possible : le sans contact représente déjà 75 % des paiements par carte et les transactions via smartphone progressent rapidement, notamment chez les jeunes générations.
Une ambition portée par Digital Morocco 2030
La stratégie publique mise sur la monétique comme levier d’inclusion financière. L’objectif n’est plus seulement d’augmenter le nombre de cartes, mais de garantir qu’un commerçant, qu’il soit en centre-ville ou en zone rurale, puisse accepter des paiements électroniques à moindre coût.
L’arrivée de nouveaux acquéreurs, combinée à une baisse attendue des frais et à un élargissement du réseau, doit permettre d’ancrer durablement la digitalisation dans le quotidien. À l’horizon 2026, le CMI prévoit d’élargir la gamme de services offerts aux acquéreurs, de renforcer l’accompagnement des commerçants et d’asseoir une infrastructure inclusive et alignée sur les standards mondiaux. Comme l’a rappelé Rachid Salhi, «notre ambition est claire: bâtir un marché monétique moderne, accessible à tous», en phase avec la stratégie Digital Morocco 2030.
F.T.
L’article Inclusion financière/Paiements électroniques: Le Maroc change d’échelle est apparu en premier sur L'Economiste.
2025-09-21 15:07:23
www.leconomiste.com