Santé et sécurité au travail : les entreprises se fixent le cap de 2030
Porté par le binôme Éric Dejean-Servières, président de Préventica International, et le Dʳ Tariq Essaïd, président associé de Préventica Maroc et président du Congrès, l’événement assume un cap résolument stratégique, alors que le triptyque «protocole, expertise scientifique et vision internationale» structure la Feuille de route 2025.
L’intervention du Dʳ Tariq Essaïd a planté le décor : Préventica Maroc est «un congrès à deux présidences», une configuration rare qui structure une gouvernance partagée, des décisions co-construites et une vision stratégique commune. D’ailleurs, l’intervenant revendique un rôle à dominante institutionnelle : assurer le lien entre le congrès et le salon, l’alignement avec les politiques nationales en santé–sécurité au travail (SST) et l’animation des partenariats avec les organismes publics et privés.
Faut-il rappeler qu’à la base, l’architecture du congrès repose sur un principe simple : le partenariat. Partenariat dans le débat, dans l’écoute et désormais dans le contenu. «Le congrès a atteint un niveau tel que nous n’intervenons plus dans le fond : nos partenaires, hautement qualifiés, en sont les garants», souligne le Dʳ Essaïd. L’équipe organisatrice se concentre sur l’orchestration et le suivi, faisant des communautés professionnelles les véritables moteurs de qualité.
Cette logique s’incarne dans un maillage de comités permanents. Un comité interministériel, réuni tous les trois mois, veille à la concordance avec les orientations nationales. Un collège de grandes institutions (OCP, ONCF, ONEE, Taqa Morocco…) apporte propositions et retours d’expérience. Les syndicats les plus représentatifs sont associés dans un comité dédié, épaulé par un comité des employeurs avec la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).
Au-delà de la mécanique, le Dʳ Essaïd assume une «mission» : Arrimer la SST au développement durable et à la responsabilité sociétale dans leur acception large : gouvernance, droits humains, protection du consommateur et respect de l’environnement. «Notre objectif n’est pas d’en faire notre congrès, mais le vôtre», insiste-t-il, rappelant le socle économique de la démarche : un progrès social pérenne suppose une économie dynamique.
Des chiffres réels au service de la sensibilisation
En un peu plus d’une décennie de présence au Royaume, Préventica a tissé un écosystème désormais solide et dense. En 2024, l’événement a rassemblé près de 80 conférences, 200 exposants et plus de 6.000 participants identifiés. «Contrairement à d’autres salons prompts à afficher des chiffres flatteurs, ces données correspondent à des personnes réellement présentes, dirigeants et acteurs de l’économie», souligne M. Dejean-Servières.
Autre motif de fierté pour les organisateurs : la richesse du programme scientifique. Les quelque 80 conférences, véritable «force de Préventica», constituent un volume rarement égalé, y compris en France. Ce volet de Préventica est appréhendé comme une vocation et une mission de sensibilisation et d’accompagnement des entreprises vers la prévention. M. Dejean-Servières revendique cette approche, même si elle représente un coût en temps et en argent d’un point de vue purement économique.
Un programme scientifique qui colle aux urgences du terrain
Le comité éditorial, emmené par le Dʳ Tariq Essaïd, affine encore le programme 2025. Parmi les pistes déjà retenues : la santé-sécurité comme facteur d’adhésion (ou de résistance) au changement, le bien-être au travail «du concept à la pratique», la SST à l’ère de l’IA et de la numérisation, la médiation sociale, la qualité de vie au travail centrée sur l’humain, la prévention des TMS, la sécurité dans le secteur pétrolier, la mobilité routière et la logistique. Autant de thèmes qui mettent l’opérationnel au cœur.
La dimension «sécurité économique» s’élargit : sûreté des secteurs d’importance vitale (vol, vandalisme, intrusion), enjeux de la smart city, sécurité des grands événements sportifs et culturels, cybersécurité comme sujet de gouvernance, gestion de crise, IA et data au service de la sécurité électronique, prévention du risque tsunami, réglementation incendie au Maroc, gestion des risques en milieux urbains et sécurité des batteries lithium-ion. Des questions très concrètes, avec un fil rouge : résilience et anticipation.
Éric Dejean-Servières insiste sur cette approche globale et coordonnée de la sécurité, refusant de la cantonner à des «silos». Pour lui, la sécurité est un enjeu transversal, englobant de multiples dimensions essentielles au développement des entreprises et des territoires. Et cette vision intégrée est la pierre angulaire de l’événement.
Des temps forts pour fédérer
Plusieurs rendez-vous structurent déjà la séquence : une conférence inaugurale sur «les grands enjeux de sécurité au service du développement du Royaume», aux côtés d’acteurs institutionnels et partenaires, une table ronde «Ambitions et perspectives sectorielles en SST» proposée par l’Institut national des conditions de vie au travail (INCVT) et un symposium «Prévention et sensibilisation à la sécurité routière» mené par Fauresst, expert en sécurité du travail et prévention des risques, en collaboration avec la NARSA (Agence nationale de la sécurité routière). Au programme figurent aussi les Olympiades HSE avec remise de diplômes, portées par l’Observatoire marocain de l’hygiène, sécurité et environnement (OMHSE) et l’École supérieure des industries du textile et de l’habillement (ESITH). De quoi créer des passerelles entre politiques publiques, entreprises et monde académique.
Le Salon : solutions à 360 °
Parallèlement au congrès, le Salon déroule un panorama complet : audit, accompagnement et innovations en prévention des risques, sécurité de la production et des chantiers, sécurité incendie et premiers secours, contrôle d’accès, vidéoprotection et sécurité numérique, équipements de protection individuelle… Plus de 160 exposants sont déjà confirmés, une densité qui permet de passer de l’idée à la solution, du cahier des charges à l’implémentation.
Nouveauté marquante : l’ouverture d’un pôle «Aménagement des espaces de travail», signe que la prévention se joue aussi dans la conception des lieux, l’ergonomie et les usages. Un signal fort envoyé aux directions RH et HSE qui cherchent à aligner performance et qualité de vie au travail.
Cap 2030 : les entreprises au rendez-vous
De la prévention des risques à la compétitivité, l’édition 2025 assume une conviction forte : la sécurité est un investissement, pas un coût. Elle irrigue tous les secteurs (santé, industrie, commerce, services…) et participe d’un développement économique durable.
Pour les entreprises, c’est l’occasion de partager leurs expertises, de mesurer le chemin parcouru, d’actualiser leurs plans d’action et de se projeter vers 2030 avec des solutions éprouvées.
Partenaire clé de Préventica Maroc, l’OCP place la sécurité au cœur de son développement humain et économique. Hassan Chadli, Head Santé et Sécurité au travail, rappelle l’engagement du groupe : la sécurité n’est pas une contrainte, mais un devoir moral. Il s’agit de garantir que chacun, y compris les sous-traitants, rentre chez soi sain et sauf. Il renvoie à l’entretien accordé au journal «Le Matin» par Mostafa Terrab, PDG du groupe, soulignant que la première richesse de l’OCP n’est ni le phosphate ni les engrais, mais l’humain. À cette dimension s’ajoutent innovation et amélioration continue, portées par un écosystème interne et externe (universités, centres de formation…) pour élever durablement les standards.
Dans le même esprit, Yassine Dahkoune, directeur adjoint HSE à Taqa Morocco, insiste sur l’enjeu critique de la sécurité au travail, particulièrement dans des environnements industriels complexes. Il met également l’accent sur le défi que représente la gestion des sous-traitants aux niveaux de maturité hétérogènes, qui exige un accompagnement soutenu afin d’harmoniser les pratiques et de soutenir la performance sans jamais compromettre le bien-être des équipes.
Faisant écho à ces positions, Faïza Amahroq, directrice de l’INCVT, rappelle que des conditions de travail saines sont à la fois une exigence morale et un levier de compétitivité. Ce principe irrigue la nouvelle stratégie de l’Institut, ancrée dans le partenariat, l’innovation et l’efficience.
Cette vision s’articule autour de trois priorités : partenariat, innovation et efficience. Elle se veut résolument participative et inclusive, mais surtout sectorielle : les dispositifs et prestations seront adaptés aux spécificités de chaque filière, avec des alliances ciblées, jugées décisives pour la réussite de l’approche.
L’Institut, cheville ouvrière du ministère de l’Emploi et des compétences pour le déploiement de la politique nationale en SST, présentera sa nouvelle feuille de route durant l’édition 2025 du Salon Préventica, au cours d’une demi-journée dédiée où les partenaires seront également invités à s’exprimer.
Parmi ces partenaires figure la Fédération nationale du BTP (FNBTP). Son président, Mohamed Mahboub, a réaffirmé l’engagement de la profession en faveur de la SST, à l’horizon 2030, alors que se profilent de grands chantiers (Coupe du monde, routes, autoroutes, ports, ouvrages hydrauliques, LGV, logement…).
Le BTP, qui emploie plus de 1,2 million de salariés – dont une part importante non qualifiée – demeure l’un des secteurs les plus accidentogènes. Chaque accident est un drame humain qui fragilise des familles, mais aussi une perte économique pour les entreprises.
Pour la FNBTP, la santé et la sécurité ne sont pas de simples obligations : elles conditionnent la réussite, l’honorabilité des projets et la compétitivité des entreprises.
Face à ces enjeux, la Fédération agit de longue date pour faire progresser la prévention, notamment via un partenariat «stratégique» avec Préventica : mise en réseau des acteurs, diffusion des meilleures pratiques, évolution des comportements au sein des entreprises… M. Mahboub réaffirme sa volonté d’avancer aux côtés de Préventica et des partenaires institutionnels pour ériger la prévention en pilier du développement durable du secteur d’ici 2030.