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L’investissement public face au double défi du rendement et de la disparité territoriale

L’investissement public face au double défi du rendement et de la disparité territoriale

L’investissement public face au double défi du rendement et de la disparité territoriale

Pendant deux décennies, le Maroc a misé gros sur l’investissement public : des routes, des ports, des zones industrielles, des mégaprojets d’énergie… L’État a pris la main, consacrant des pics proches de 30% du PIB. Pourtant, le verdict du Centre de prospective économique et sociale (CPES) est net : l’effort quantitatif n’a pas produit les effets qualitatifs attendus sur la croissance, l’emploi et l’intégration du tissu productif. En clair, beaucoup de capital mobilisé pour un impact limité.

Dans un rapport publié en ce mois de septembre, le centre pointe un rendement de l’investissement en dessous des standards. Au Maroc, ce taux tourne autour de 6% en moyenne, loin des 10 à 12% observés dans plusieurs économies émergentes. Pour gagner 1 point de croissance, il faut 7 à 9 points d’investissement au Maroc, contre 3 à 4 en Turquie ou au Vietnam. L’ICOR (ratio capital/croissance) reste également élevé (autour de 9,4), ce qui constitue un signal d’inefficacité persistante. Résultat : l’économie consomme beaucoup de ressources sans générer assez de valeur ajoutée ni d’emplois durables.

La rentabilité est tout aussi contrastée selon les secteurs. Les filières exportatrices (automobile, aéronautique) tirent les chiffres, mais créent peu d’emplois et s’intègrent insuffisamment au tissu national. À l’inverse, des secteurs plus diffus (agriculture traditionnelle, agroalimentaire, artisanat) restent peu productifs, malgré les soutiens.

Une carte des investissements à deux vitesses

La géographie de l’investissement public demeure également très concentrée : plus de 70% des montants se concentrent dans trois régions (Casablanca-Settat, Tanger-Tétouan-Al Hoceïma et Rabat-Salé-Kénitra). Ailleurs, les entreprises butent sur des infrastructures insuffisantes, des marchés étroits et des procédures foncières lourdes. Cette polarisation pèse sur l’équité territoriale et l’émergence d’écosystèmes locaux.

Outre la répartition inéquitable, le rapport relève que l’argent déployé ne se traduit pas suffisamment en postes d’emploi créés. En effet, malgré la hausse des investissements, le chômage demeure très élevé (13% en 2024), alors que la création d’un seul emploi peut coûter jusqu’à 500.000 DH ! Cette situation reflète un ciblage insuffisant des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, ainsi que l’absence d’articulation entre les politiques d’investissement et celles de la formation professionnelle, note le rapport.

Autre constat du rapport : une large part des projets reste orientée assemblage/export, avec un taux d’intégration locale qui dépasse rarement 40% dans certaines filières. De plus, le lien investissement-recherche est faible : la R&D privée pèse environ 0,2% du PIB, contre 1,5% en moyenne mondiale. Il en résulte une dépendance accrue aux intrants et une vulnérabilité aux chocs externes, ainsi qu’une valeur ajoutée nationale limitée.

Des verrous structurels bien identifiés

Selon le rapport du CPES, l’investissement au Maroc se heurte à plusieurs entraves structurelles. Ces verrous, qu’ils soient juridiques, institutionnels, territoriaux ou financiers, créent un environnement incertain pour l’investisseur et limitent sa capacité à prendre des décisions stratégiques. Concernant le cadre juridique et institutionnel, l’environnement est marqué par la multiplicité des intervenants, la formulation imprécise des textes et la complexité des procédures. En 2023, près de 65% des entreprises marocaines ont cité la complexité des démarches administratives comme l’un des principaux obstacles à l’investissement. Bien que les Centres régionaux d’investissement (CRI) aient été réformés, leurs performances demeurent inégales, certains ne traitant que 50% des dossiers dans les délais légaux. La lenteur judiciaire représente également un frein majeur, particulièrement pour les litiges fonciers et commerciaux, avec plus de 60% des investisseurs se plaignant de la longueur des procédures judiciaires.

En ce qui concerne l’offre territoriale et foncière, le rapport pointe de fortes disparités régionales. Il souligne dans ce sens que plus de 70% des zones industrielles sont concentrées dans seulement trois régions, tandis que plus de six régions manquent totalement de zones industrielles équipées. L’accès au foncier économique est difficile en raison de la complexité des statuts juridiques des terrains et du chevauchement des compétences de gestion. Cela contribue à des coûts élevés, notamment dans les principaux pôles, où le prix du mètre carré peut dépasser 1.200 dirhams dans des zones industrielles équipées comme celles de Berrechid et Kénitra, ce qui représente un obstacle majeur pour les petites et moyennes entreprises (PME).

Le financement constitue un autre défi structurel important. La plupart des entreprises, en particulier les très petites entreprises (TPE) et les PME, rencontrent de grandes difficultés à accéder au crédit bancaire. Le rapport de Bank Al-Maghrib de 2023 indique que seulement 12% des TPE accèdent aux prêts d’investissement, contre plus de 45% dans les pays émergents comparables. Par ailleurs, le marché marocain souffre d’un système embryonnaire de capital-risque, dont le volume ne dépasse pas 0,03% du PIB, avec moins de 20 fonds actifs. Ces fonds sont majoritairement concentrés sur l’axe Casablanca-Rabat, limitant ainsi la capacité des startups et entreprises innovantes à obtenir des financements.

Une nouvelle politique ambitieuse

Le rapport souligne que le Maroc a connu une évolution significative de sa politique d’investissement au cours des dernières années, marquant un tournant stratégique visant à améliorer le climat des affaires et à renforcer l’attractivité de son économie nationale. Cette réorientation a été marquée par l’instauration en 2023 de la nouvelle Charte de l’investissement. Ce nouveau cadre vise à mobiliser 550 milliards de dirhams d’investissements d’ici 2026, dont 350 milliards issus du secteur privé, inversant ainsi la dynamique traditionnelle où l’État était le principal investisseur. Le privé devient ainsi moteur, tandis que l’État se recentre sur l’écosystème. Cela inclut le développement de zones industrielles, la généralisation de la digitalisation, l’amélioration de l’équité régionale et la facilitation de l’accès des entreprises au financement et aux services.

Des initiatives comme la «banque de projets» et la plateforme numérique «CRI INVEST» sont mises en œuvre pour soutenir cette ambition. Une Commission nationale de l’investissement, présidée par le Chef du gouvernement et incluant tous les départements ministériels concernés, a également été créée pour accélérer le traitement des dossiers de grands projets complexes. Cette nouvelle approche vise la création de 500.000 emplois d’ici 2026, le renforcement de la souveraineté productive et une meilleure équité régionale, faisant de l’investissement un levier essentiel pour une croissance inclusive et durable. Les premiers résultats témoignent d’une dynamique d’investissement accrue. Cependant, le manque de recul ne permet pas encore d’évaluer pleinement l’impact des nouvelles orientations stratégiques de la politique d’investissement au Maroc.

Ce qu’il faut faire maintenant selon le CPES Compte tenu de ce panorama global, le Centre de prospective économique et sociale insiste sur l’importance de passer d’une culture du volume à une culture de l’impact. À cet effet, il a formulé une série de recommandations stratégiques visant à améliorer la politique d’investissement au Maroc et à garantir l’atteinte des objectifs de développement.

La première est un appel à consolider la confiance des investisseurs en garantissant la stabilité du système juridique et fiscal, ainsi qu’une planification à long terme, afin d’éviter les ajustements fréquents qui perturbent l’environnement des affaires. Parallèlement, il est nécessaire d’accélérer la simplification et l’harmonisation des procédures administratives, en mettant en place une plateforme électronique nationale unique qui connectera tous les acteurs et permettra un suivi instantané des projets d’investissement, de leur conception à leur réalisation, ajoute le centre.

Et pour corriger les déséquilibres régionaux, le CPES préconise de renforcer l’attractivité des zones marginalisées à travers des incitations spécifiques, la mise à disposition de terrains économiques aménagés et l’intégration de ces efforts dans les plans de développement régionaux, en exploitant les ressources naturelles et humaines locales. Dans cette optique, l’établissement de contrats de développement régionaux clairs entre l’État, les régions et le secteur privé est suggéré, avec des objectifs d’investissement quantitatifs et qualitatifs alignés sur les priorités locales.

Le CPES estime aussi que la nouvelle approche requiert d’encourager activement le secteur privé national à devenir le moteur des investissements productifs, notamment en stimulant les petites et moyennes entreprises (PME) et en développant des mécanismes de financement alternatifs, tels que les fonds régionaux de capital-risque. Il est également crucial selon lui d’établir un lien strict entre l’investissement, la recherche scientifique et l’innovation, en soutenant les incubateurs universitaires et en conditionnant les subventions publiques au niveau d’intégration technologique ou environnementale des projets.

Afin d’optimiser l’efficacité des investissements, la création d’un mécanisme national d’évaluation de la rentabilité basé sur l’impact réel des projets est recommandée, afin de permettre de corriger les écarts et d’améliorer l’efficience des dépenses publiques et des incitations destinées au secteur privé. L’investissement doit également être un outil de justice sociale, en privilégiant les projets à forte intensité de main-d’œuvre et en liant le soutien public à la capacité des projets à créer des emplois durables.

Par ailleurs, le Centre suggère d’intégrer les dimensions environnementales et sociales dans le processus de sélection des projets d’investissement, afin de trouver un équilibre entre la rentabilité économique, la préservation des ressources et la durabilité des modèles de développement. Pour piloter cette transformation, une gouvernance unifiée et efficace de l’investissement doit être mise en place, en activant le rôle de la Commission nationale de l’investissement et en la rattachant à des indicateurs de performance spécifiques aux institutions publiques et régionales.


2025-09-08 16:54:00

lematin.ma

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