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5G au Maroc : Comment mettre la connectivité au service du territoire et de la souveraineté

5G au Maroc : Comment mettre la connectivité au service du territoire et de la souveraineté

5G au Maroc : Comment mettre la connectivité au service du territoire et de la souveraineté

Le Maroc a officiellement ouvert la 5G en novembre, mais son déploiement se fera progressivement jusqu’en 2030. Selon les objectifs annoncés, la couverture devrait atteindre 70 à 85% de la population à cet horizon. Or, pour Khalid Ziani, cet indicateur ne reflète pas pleinement la réalité du terrain : «On parle de couverture de la population, pas du territoire. Si les villes sont bien connectées et que les campagnes sont laissées pour compte, on n’aura rien résolu».

La 5G, souligne-t-il, ne remplace ni la 4G ni la fibre optique : elle vient s’y ajouter. Le Maroc doit raisonner en complémentarité d’infrastructures et non en substitution. Aujourd’hui, seulement 55 à 60% du territoire dispose d’un vrai haut débit (4G+ ou fibre). Les zones rurales restent dépendantes du cuivre et de l’ADSL, technologies obsolètes qui freinent la productivité et coûtent cher à entretenir. La 5G ne doit donc pas rester un luxe réservé aux grandes métropoles, mais constituer un outil de continuité territoriale, notamment pour la mobilité et les corridors économiques.

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Le Discours Royal, déclencheur d’une refonte

«Il n’y a de place, ni aujourd’hui, ni demain pour un Maroc avançant à deux vitesses», a déclaré Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans Son dernier Discours du Trône. Pour l’invité de «L’Info en Face», ce discours marque un tournant : la connectivité est désormais considérée comme un levier de justice sociale et territoriale. Dans la foulée, l’ANRT (Agence nationale de réglementation des télécommunications) a révisé le Plan national haut débit (PNH), qui distingue trois priorités :

1. Les zones blanches, totalement dépourvues de couverture.

2. Les zones grises, limitées à la 2G ou 3G.

3. Les zones prioritaires 5G, concentrées sur les grands centres et les pôles logistiques.

Des ajustements jugés utiles, mais M. Ziani appelle également à la publication intégrale de ce PNH, pour instaurer une redevabilité publique. «La publication de ce plan et le fait de le rendre public responsabilise tout le monde : l’État, les opérateurs, les citoyens», estime-t-il.

Le Fonds de service universel : poumon ou mirage

Le Fonds de service universel des télécommunications (FDSUT) est censé financer les zones non rentables. Alimenté à hauteur de 1 à 2% du chiffre d’affaires des opérateurs, il reste sous-dimensionné face aux ambitions nationales. «Sans abondement budgétaire de l’État, on n’atteindra jamais les 85%. Ce fonds doit être sanctuarisé et réservé exclusivement à l’investissement dans les infrastructures télécoms», tranche l’expert.

Il préconise de cibler les financements vers la fibre rurale, les relais 4G/5G et la mutualisation énergétique des sites. Le modèle doit passer d’un service universel déclaratif à une logique de péréquation territoriale : chaque dirham dépensé doit rapprocher un village du haut débit.

Neutralité technologique et souveraineté numérique

Les licences 5G imposent des obligations : couverture rurale, sécurisation du réseau et neutralité technologique. Cette dernière notion est essentielle dans un contexte de tension géopolitique autour des équipements (Huawei, Nokia, Ericsson, Samsung). «Le choix d’un fournisseur n’est pas neutre. Il engage notre souveraineté numérique. Il faut garder la liberté de changer de technologie selon les intérêts du pays», explique M. Ziani.

L’expert salue la joint-venture IAM–Inwi, perçue comme une avancée pragmatique, mais il plaide pour la création d’un opérateur d’infrastructures neutre, indépendant des acteurs commerciaux, fonctionnant sur le modèle open access. «Ce modèle mutualise les investissements et ouvre les réseaux à tous. C’est le seul moyen d’éviter les doublons et de réduire les coûts d’accès», note-t-il.

La 5G démarre au Maroc

La mutualisation, levier de rentabilité et d’équité

La mutualisation ne concerne pas que les opérateurs. Khalid Ziani appelle à une synergie entre chantiers publics : routes, électricité, assainissement et télécoms doivent être pensés ensemble. «Quand on creuse pour poser un câble électrique, on peut poser de la fibre pour presque rien de plus», suggère l’expert.

Pour lui, les Sociétés régionales multiservices (SRM), créées dans le cadre de la régionalisation avancée, pourraient devenir des acteurs clés du déploiement numérique. En intégrant le télécom dans leurs projets, elles réduiraient les coûts et garantiraient la cohérence territoriale. Le modèle des Réseaux d’initiative publique (RIP) en Europe prouve que cette approche est efficace : les collectivités investissent, les opérateurs exploitent, les citoyens se connectent.

Tarification et fracture numérique : le risque d’une 5G à deux vitesses

Si la 5G promet un débit supérieur, elle pourrait aussi alourdir la facture pour les ménages. Au Maroc, 80% des utilisateurs sont en prépayé. Or, la 5G implique une consommation de données plus élevée. «Si les volumes inclus dans les recharges n’augmentent pas, la 5G coûtera plus cher à l’usage, même si le prix facial reste le même», explique M. Ziani.Il plaide pour une révision structurelle des offres :

Augmenter significativement les volumes de données inclus dans les recharges et abonnements.

• Introduire des profils «éco» pour les foyers modestes.

• Relever les plafonds d’abonnement pour encourager la transition du prépayé vers le postpayé.

La 5G ne doit pas être un privilège urbain, mais une opportunité d’inclusion numérique. Sans mesures compensatoires, la fracture numérique se doublera d’une fracture sociale.

La cybersécurité, talon d’Achille de l’ère 5G

Dans l’univers ultra-connecté que promet la 5G, chaque antenne, chaque capteur et chaque objet deviennent un point d’entrée potentiel pour les cyberattaques. Ce maillage, synonyme d’efficacité, multiplie aussi les vulnérabilités. Pour Khalid Ziani, la cybersécurité ne peut plus être traitée comme un volet secondaire, mais comme un pilier stratégique du développement numérique. «Plus le réseau est intelligent, plus il est exposé. L’enjeu n’est pas de fermer, mais de comprendre, d’anticiper et de réagir», note l’expert.

Il plaide pour une approche systémique et préventive, fondée sur trois piliers : cartographie nationale des failles, coopération continue entre opérateurs, État et acteurs privés, et éducation des usagers à l’hygiène numérique. Les réflexes de fermeture – comme le blocage des connexions étrangères – sont jugés contre-productifs, notamment pour les Marocains résidant à l’étranger (MRE).

M. Ziani appelle à la mise en place d’un inventaire dynamique des vulnérabilités, assorti d’obligations claires pour les opérateurs : mises à jour régulières, segmentation des réseaux, chiffrement systématique, supervision continue et formation d’experts locaux capables de diagnostiquer et d’agir. La 5G impose une culture de sécurité partagée, où la vigilance devient un réflexe collectif. Car dans le monde connecté qui s’annonce, la souveraineté numérique commence par la confiance.

La 5G, catalyseur d’un Maroc productif, inclusif et résilient

Loin d’être une simple évolution technologique, la 5G représente pour Khalid Ziani une rupture systémique. Elle ne se limite pas à offrir plus de débit : elle redéfinit la manière dont le Maroc produit, soigne, apprend et crée de la valeur. «La 5G, c’est l’infrastructure invisible de la compétitivité nationale. C’est ce qui fera la différence entre un pays qui subit le numérique et un pays qui le maîtrise», indique-t-il.

Pour lui, l’impact de la 5G dépasse le champ des usages individuels. Elle est appelée à irriguer tous les secteurs clés du développement :

Industrie 4.0 : capteurs intelligents, maintenance prédictive, chaînes robotisées, automatisation temps réel – autant de leviers pour gagner en productivité et en fiabilité.

Santé : télémédecine, ambulances connectées, diagnostic à distance, imagerie mobile – un atout pour les territoires enclavés et les centres de soins sous-dotés.

Éducation : classes virtuelles immersives, contenus en réalité augmentée, pédagogie individualisée – la 5G peut abolir les inégalités d’accès au savoir.

Agriculture : suivi précis des sols, gestion hydrique optimisée, capteurs climatiques et traçabilité des cultures – une voie vers une agriculture intelligente et durable.

Tourisme : expériences connectées, géolocalisation enrichie, services instantanés – de quoi renforcer l’image d’un Maroc innovant et accueillant.

En résumé, M. Ziani considère la 5G comme un outil de souveraineté économique et un accélérateur d’inclusion. Elle doit permettre à chaque région, urbaine ou rurale, d’entrer dans la chaîne de valeur numérique mondiale. «La connectivité, c’est le ciment de la résilience. Sans réseau, il n’y a ni savoir, ni soins, ni activité économique durable.»

L’horizon satellitaire : une révolution silencieuse à anticiper

Si le monde parle déjà de 6G, l’expert invite à lever les yeux vers le ciel. La vraie rupture viendra du direct-to-cell, technologie permettant à un téléphone de se connecter directement à un satellite sans relais terrestre. «Le jour où le satellite deviendra un relais du réseau, la notion de roaming disparaîtra. Cela changera tout : le modèle économique, la fiscalité et même la souveraineté.»

Cette convergence terre-espace bouleversera le modèle traditionnel des opérateurs. Des pays pionniers, comme le Japon avec l’accord KDDI–Starlink, préparent déjà cette transition. Le Maroc, affirme Ziani, doit anticiper dès aujourd’hui ces mutations pour ne pas rester simple consommateur d’un système contrôlé depuis l’extérieur. Cela implique une réflexion sur la régulation, la fiscalité des communications satellitaires et les partenariats technologiques à long terme.

Au terme de l’entretien, M. Ziani résume d’une formule puissante la portée sociale du numérique : «Déconnecter, c’est pousser à l’exode. Connecter, c’est retenir, c’est soigner, c’est éduquer, c’est produire».

Derrière cette phrase, une conviction : la 5G n’est pas une fin en-soi, mais un moyen de développement humain durable. Son succès dépendra moins de la prouesse technologique que de la qualité de la gouvernance, de la pérennité du financement et de la vision territoriale qui la sous-tend. Si le Maroc parvient à conjuguer ces trois dimensions – équité, transparence et souveraineté –, il fera de la 5G non pas une vitrine high-tech réservée à quelques-uns, mais un pacte national d’égalité numérique, garant d’un développement équilibré, inclusif et résilient.


2025-11-17 16:42:00

lematin.ma

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